Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 IB 379



101 Ib 379

65. Arrêt du 2 mai 1975 dans la cause Division fédérale de la justice
contre Société protectrice contre la cruauté envers les animaux et
Deutscher Tierschutzbund Regeste

    Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland.

    1. Die eingesetzten Erben mit Wohnsitz oder Sitz im Ausland bedürfen
einer Bewilligung, um inländische Grundstücke im Rahmen des Erbganges
erwerben zu können (Erw. 1).

    2. Wirkungen der Verweigerung der Bewilligung auf die Erbeinsetzung
(Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- De nationalité allemande mais domiciliée à La Tour-de-Peilz,
Irène Sessbrugger est décédée le 15 mars 1972. Par testament public du
6 mars 1972, elle a fait des legs en espèces à de nombreuses personnes
et institué héritiers de tous ses biens non légués, de quelque nature
qu'ils soient et où qu'ils se trouvent, les trois sociétés suivantes:
   a) Société suisse pour la protection des animaux, section vaudoise;

    b) Société protectrice contre la cruauté envers les animaux,
à Anderlecht/Bruxelles;
   c) Deutscher Tierschutzbund, à Mayence.

    Parmi ses biens se trouvent notamment deux immeubles situés en Suisse,
savoir une villa locative de 4 appartements sise à La Tour-de-Peilz,
estimée à 500'000 fr., et un bâtiment locatif sis à Vevey, estimé à
1'000'000 fr. La testatrice a grevé l'appartement du rez-de-chaussée de la
villa d'un droit viager d'habitation en faveur d'une nièce et d'un couple
ami. Elle a en outre précisé: "La fortune constituée par des immeubles,
à mon décès, devra être maintenue en biens immobiliers pendant trente
ans dès mon décès."

    B.- Sur requête du 28 août 1974, présentée par l'exécuteur
testamentaire de la succession, la Commission foncière II du canton de Vaud
a accordé l'autorisation de faire inscrire au registre foncier les parts de
propriété des deux sociétés étrangères sur les immeubles successoraux en
l'assortissant toutefois de la charge, à mentionner d'office au registre
foncier, de revendre les immeubles dans le délai d'un an dès le 15 mars
2002. Elle se référait à un arrêt de la Commission cantonale de recours
en matière foncière, selon lequel une réglementation temporaire telle
que celle de l'arrêté fédéral du 23 mars 1961 ne doit pas faire obstacle
aux règles ordinaires du droit successoral, lorsque le testateur n'a pas
entendu éluder la législation restreignant l'acquisition d'immeubles par
des personnes domiciliées à l'étranger.

    Saisie d'un recours de la Division fédérale de la justice, la
Commission cantonale de recours en matière foncière l'a rejeté le 28
novembre 1974, en confirmant la décision de l'autorité inférieure.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, la
Division fédérale de la justice requiert le Tribunal fédéral d'annuler
la décision de la Commission cantonale de recours du 28 novembre 1974,
de rejeter la requête et de refuser l'autorisation.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'arrêté fédéral du 23 mars 1961 "sur l'acquisition d'immeubles
par des personnes domiciliées à l'étranger" (en abrégé; AF), modifié
notamment par l'arrêté fédéral du 21 mars 1973, subordonne à l'assentiment
de l'autorité cantonale l'acquisition d'immeubles en Suisse par des
personnes ayant leur domicile ou leur siège à l'étranger (art. 1er). Sont
considérées comme personnes ayant leur domicile ou leur siège à l'étranger,
notamment les personnes morales et les sociétés de personnes dépourvues de
personnalité juridique, mais ayant la capacité d'acquérir, qui n'ont pas
leur siège en Suisse (art. 3 lettres a et b AF). L'art. 5 AF énumère les
cas d'exception où un tel assentiment n'est pas nécessaire, et l'art. 6
indique quels sont les motifs d'octroi et de refus de l'autorisation.

    a) Selon l'art. 5 lettre b AF, l'acquisition d'immeubles par des
héritiers légaux dans la dévolution d'une succession n'est pas subordonnée
à l'assentiment de l'autorité cantonale. En revanche, l'acquisition
par des héritiers institués ne bénéficie pas de cette exception; elle
est donc subordonnée à une autorisation. Il existe en effet de sérieuses
raisons d'être plus libéral à l'égard des héritiers légaux, dont le choix
n'appartient pas au de cujus, qu'à l'égard des héritiers institués, que le
disposant pourrait désigner en vue de réaliser par une voie détournée une
opération immobilière prohibée (cf. ATF du 18 mai 1973 dans la cause I.,
publié dans RNRF 1974, p. 53 ss).

    Les intimées, qui n'ont pas leur siège en Suisse, sont donc soumises
au régime de l'autorisation.

    b) Les immeubles en cause n'étant pas situés en des lieux où aucune
autorisation n'est possible en vertu de l'art. 7 AF, il faut examiner si
les intimées ont un intérêt légitime à l'acquisition, au sens de l'art. 6
AF. Or il n'est pas contesté qu'elles ne remplissent aucune des conditions
dans lesquelles l'art. 6 al. 2 AF reconnaît l'existence d'un intérêt
légitime; ladite disposition ne contient pas, dans son énumération que
la Chambre de céans a déclarée exhaustive (ATF Wozchod Handelsbank AG,
du 27 octobre 1972, publié dans RNRF 1973, p. 115), le cas des héritiers
institués, même pas lorsqu'ils le sont par une disposition testamentaire
qui ne vise manifestement pas à éluder la loi. Les autorités vaudoises
ne pouvaient donc pas accorder l'autorisation demandée, faute d'un motif
permettant de justifier cette autorisation au sens de l'art. 6 al. 2 AF.

    La décision attaquée doit donc être annulée et la demande
d'autorisation rejetée.

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 560 CC, les héritiers acquièrent de plein droit
l'universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte (al. 1),
l'effet de l'acquisition par les héritiers institués remontant au jour
du décès du disposant (al. 3).

    De son côté, l'art. 20 AF dispose que les actes juridiques ayant pour
objet une acquisition assujettie au régime de l'autorisation restent sans
effets tant qu'il n'y a pas d'autorisation passée en force, et qu'ils
sont frappés de nullité dès que passe en force notamment le refus de
l'autorisation (al. 1); il impose en outre de tenir compte d'office de
l'absence d'effets et de la nullité (al. 2); quant à l'al. 3, il dispose:
"Les prestations promises ne peuvent être exigées; les prestations
exécutées peuvent être répétées pendant cinq ans et, lorsque des actes
punissables ont été commis, jusqu'à la prescription de l'action pénale".

    En tant qu'acte législatif spécial et plus récent, l'arrêté
fédéral de 1961/1973 l'emporte sur la règle générale et plus ancienne de
l'art. 560 CC; mais n'ayant qu'une durée limitée, il ne fait qu'y déroger
temporairement (cf. AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse,
vol. II, p. 478 s., No 1314, et La Hiérarchie des formes, dans RDS 1974
II, p. 193 ss, Nos 4, 19, 26, 35). Il n'est donc pas douteux que, dans
les circonstances de l'espèce, l'art. 20 AF s'oppose à ce que les deux
héritières étrangères acquièrent la propriété des immeubles sis en Suisse,
ou en tout cas à ce qu'elles soient inscrites au registre foncier comme
propriétaires. En revanche, on ne saurait prétendre, comme semble le faire
la recourante, que l'art. 20 AF entraîne la nullité de l'institution
d'héritier relative aux deux sociétés étrangères. Le législateur n'a
pas pu vouloir une telle conséquence, qui pourrait être très grave selon
les cas et qui irait le plus souvent bien au-delà du but recherché par
l'arrêté fédéral en cause.

    On doit en effet constater qu'en édictant l'art. 20 AF, le législateur
n'a manifestement pas eu en vue le cas de l'institution d'héritier,
mais uniquement, semble-t-il, le cas des actes bilatéraux, qui sont de
loin les plus fréquents en cette matière; l'alinéa 3 de l'art. 20 AF
est particulièrement révélateur à cet égard. Si l'on devait déduire de
l'art. 20 AF la nullité d'une institution d'héritier parce qu'elle vise
des personnes domiciliées à l'étranger et que la succession comprend des
immeubles situés en Suisse, les héritiers institués seraient traités
beaucoup plus sévèrement que, par exemple, l'acheteur ou le vendeur:
le vendeur dont l'acte d'aliénation est frappé de nullité peut chercher
un autre acquéreur, ou attendre l'abrogation ou l'assouplissement de
l'arrêté fédéral pour conclure un nouvel acte, tandis que si l'institution
d'héritier est déclarée nulle après le décès du disposant - et ce n'est
qu'à ce moment-là qu'elle déploie ses effets -, elle ne peut plus être
renouvelée, ni remplacée par d'autres dispositions pour cause de mort.

    On doit donc admettre qu'il y a sur ce point une véritable lacune de
la loi, lacune qu'il appartient au juge de combler "selon les règles qu'il
établirait s'il avait à faire acte de législateur" (art. 1er al. 2 CC),
principe qui s'applique aussi bien si l'on considère la disposition en
cause (art. 20 AF) comme une disposition de droit civil que comme une
disposition de droit public (cf. RO 99 Ib 280, 97 I 355 consid. 1a,
90 I 141).

    Mais le juge ne doit trancher une contestation que quand elle se
pose. Or en l'espèce, il n'y a pas encore de contestation; il est même
possible qu'il n'y en ait jamais. On ignore si la succession comprend
d'autres biens meubles ou d'autres immeubles sis à l'étranger, ce qui
faciliterait le partage entre les trois cohéritières; et même si de tels
biens n'existent pas, il n'est pas exclu que les cohéritières trouvent
à leur problème une solution qui puisse leur donner satisfaction. En
revanche, si une contestation surgit lors du partage, les intéressées
pourront s'adresser au juge civil compétent, lequel peut très bien aussi
trancher à titre préjudiciel des questions de droit public, si tant est
que l'art. 20 AF puisse être qualifié de norme de droit public.

    Ce qui est clair pour l'instant, c'est que les immeubles ne peuvent pas
être inscrits au registre foncier au nom des sociétés étrangères, mais que
ces sociétés restent en principe héritières instituées et qu'on devrait
leur reconnaître le droit de recevoir leur quote-part de Succession,
mais en valeurs autres que des immeubles en Suisse.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours, annule la décision attaquée et refuse l'autorisation
requise par les deux sociétés intimées.