Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 IA 521



101 Ia 521

82. Arrêt du 12 décembre 1975 dans la cause Provenda S.A. contre Alimenta
S.A. et Genève, Cour de justice Regeste

    Vollstreckung ausländischer Schiedssprüche. Schweizerischer ordre
public. Urteilsbegründung

    1. Die Entscheidung, ob ein ausländisches Gerichtsurteil betreffend
eine Geldleistung kraft Staatsvertrag in der Schweiz zu vollstrecken ist,
steht dem Rechtsöffnungsrichter zu (E. 1a).

    2. Wenn die Vollstreckung sich auf einen Staatsvertrag stützt,
überprüft das Bundesgericht dessen Auslegung und Anwendung sowie den
Tatbestand frei; es ist hingegen an die Vorbringen der Parteien gebunden,
die auch neu sein dürfen (E. 1b).

    3. Die Vollstreckung von in Grossbritannien ergangenen, nicht
begründeten Schiedssprüchen in der Schweiz widerspricht dem schweizerischen
ordre public nicht (E. 4).

Sachverhalt

    A.- La société Provenda S.A., dont le siège social est à Don
(France), a ouvert une poursuite contre Alimenta S.A., domiciliée à
Genève, en paiement des montants fixés dans deux sentences arbitrales
rendues en Grande-Bretagne, l'une par l'arbitre S.A. Acke de la "Grain
and feed trade association", et l'autre par le "Board of appeal" de la
même association. La débitrice ayant fait opposition, la créancière en a
demandé la mainlevée au Tribunal de première instance de Genève, qui l'a
refusée en bref pour deux raisons: d'une part pour invalidité de la clause
compromissoire au sens de l'art. 1er al. 2 lettre a de la Convention de
Genève du 26 septembre 1927 "pour l'exécution des sentences arbitrales
étrangères" (en abrégé: la Convention), d'autre part pour absence de
motivation des sentences arbitrales, absence jugée contraire à l'ordre
public suisse réservé par l'art. 1er al. 2 lettre e de la Convention.

    Saisie d'un appel de Provenda S.A., la Cour de justice a admis que
la clause compromissoire était valable, mais que l'absence de motivation
des sentences était contraire à l'ordre public suisse, de sorte que
le Tribunal de première instance n'avait pas violé la loi en refusant
d'accorder la mainlevée.

    Agissant par la voie du recours de droit public, Provenda S.A. requiert
le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de
renvoyer la cause à cette autorité pour qu'elle prononce la mainlevée
définitive. Elle allègue notamment la violation de la Convention de Genève
du 26 septembre 1927.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Les décisions étrangères sur lesquelles se fonde la recourante
ont pour objet une prestation pécuniaire. Elles doivent donc être exécutées
conformément aux dispositions de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite (art. 38 LP). Selon le droit fédéral, c'est au juge
de la mainlevée qu'il appartient de décider si une décision judiciaire
étrangère relative à un paiement en espèces doit être exécutée en Suisse
en vertu d'une convention internationale (art. 81 al. 3 LP; RO 98 Ia 532
consid. 1 et les arrêts cités). C'est donc à tort que l'intimée reproche
à la recourante d'avoir choisi une procédure - la procédure sommaire
de mainlevée - "dont les caractéristiques mêmes rendaient impossible un
examen sérieux des problèmes posés".

    Comme le Tribunal fédéral l'a relevé à plusieurs reprises (RO
61 I 277 ss avec citations de doctrine et de jurisprudence), le fait
que la procédure sommaire cantonale ne serait pas la plus appropriée
(notamment en ce qui concerne l'administration des preuves) pour une
procédure d'exequatur n'est nullement déterminant: la procédure au cours
de laquelle doit être requise l'exécution d'une décision étrangère n'est
pas régie seulement par le droit cantonal, mais aussi et d'abord par le
droit fédéral. Lorsque ce dernier pose certaines exigences de procédure, en
raison de la nature des décisions à prendre, il incombe au droit cantonal
de s'adapter au droit fédéral et non l'inverse (RO 76 I 126 s., 61 I 279;
cf. aussi Message du Conseil fédéral du 18 septembre 1964 relatif à la
Convention de New York pour la reconnaissance et l'exécution des sentences
arbitrales étrangères, FF 1964 II 639).

    b) La situation n'est pas différente s'il s'agit de l'exécution d'une
sentence arbitrale et non d'un jugement rendu par un tribunal étatique
(RO 76 I 126, 61 I 279). Selon une jurisprudence constante, les sentences
privées rendues en Suisse sont assimilées aux jugements visés par les
art. 80 et 81 LP, à la double condition que, d'une part, le canton dans
lequel elles sont rendues les assimile à un jugement étatique en ce
qui concerne la force de chose jugée et le caractère exécutoire et que,
d'autre part, le tribunal arbitral offre les garanties requises par le
droit fédéral, spécialement en ce qui concerne l'indépendance des parties
en cause (RO 81 I 325, 76 I 92). Pour l'exécution en Suisse des sentences
arbitrales étrangères, la solution varie suivant qu'il existe ou non une
convention internationale. S'il n'y a pas de convention, la question se
résout exclusivement selon le droit cantonal, que le Tribunal fédéral,
saisi d'un recours de droit public contre la décision cantonale, ne peut
examiner que sous l'angle restreint de l'arbitraire. Si, au contraire,
l'exécution se fonde sur une convention internationale, lé Tribunal fédéral
en examine librement l'interprétation et l'application - contrairement à
ce que semble croire l'intimée - et il revoit aussi librement les faits
(RO 98 Ia 532 consid. 1 et les arrêts cités); il est cependant lié par
les moyens soulevés devant lui par les parties (RO 98 Ia 541 consid. 2 et
553 consid. 1c); mais comme l'épuisement des instances cantonales n'est
pas exigé en cette matière (cf. art. 86 al. 3 OJ), les parties peuvent
présenter des moyens nouveaux et faire de nouvelles offres de preuves (RO
99 Ia 86, 98 Ia 553 consid. 1c), même si elles ont épuisé les instances
cantonales (RO 98 Ia 553 consid. 1c).

Erwägung 2

    2.- a) Il n'est pas contesté que la convention internationale
applicable en l'espèce est celle qui a été conclue à Genève le 26 septembre
1927 (Convention pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères,
RS 12 p. 358), à laquelle ont adhéré aussi bien la Grande-Bretagne,
pays dans lequel la sentence a été rendue, que la France et la Suisse,
pays à la juridiction desquels sont soumises respectivement la recourante
et l'intimée. La Convention du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et
l'exécution des sentences arbitrales étrangères (dite Convention de New
York), à laquelle la France et la Suisse ont adhéré, n'est pas applicable
du fait que la Grande-Bretagne n'y a pas adhéré; en effet, la Suisse a
fait usage de la possibilité - offerte par l'art. 1er al. 3 de ladite
Convention - de ne l'appliquer qu'aux seules sentences rendues sur le
territoire d'un autre pays contractant (AF du 2 mars 1965, ROLF 1965 p.
797).

    b) Pour que l'exécution d'une sentence puisse être autorisée dans un
des pays qui ont adhéré à la Convention de Genève, il faut notamment que
cette sentence ait été rendue à la suite d'un compromis arbitral ou d'une
clause compromissoire valable selon la législation qui lui est applicable
(art. 1er al. 2 lettre a de la Convention), en l'espèce selon le "Protocole
relatif aux clauses d'arbitrage" du 24 septembre 1923, signé par chacun des
trois pays en cause. Alors que le Tribunal de première instance avait nié
l'accomplissement de cette condition, la Cour de justice l'a admis. Dans
sa réponse au recours de droit public, l'intimée ne critique pas, sur ce
point, l'arrêt attaqué, de sorte que la Cour de céans n'a plus à examiner
cette question (RO 98 Ia 541, 93 I 54 consid. 2, 85 I 44).

Erwägung 3

    3.- Devant la Cour de justice, l'intimée avait objecté que la sentence
en cause était contraire à l'ordre public suisse (réservé par l'art.
1er al. 2 lettre e de la Convention) parce qu'elle émanait d'un tribunal
organisé par une association dont elle ne faisait pas partie. La Cour de
justice avait rejeté ce grief. Dans sa réponse au recours de droit public,
l'intimée reprend cet argument; elle ajoute qu'est également contraire
à l'ordre public suisse la règle de procédure, appliquée en l'espèce,
selon laquelle il faut l'unanimité des juges ou l'unanimité moins un pour
que la sentence d'appel puisse modifier la décision de première instance.

    N'ayant pas d'intérêt à former un recours de droit public contre
l'arrêt de la Cour de justice qui lui donnait raison pour l'essentiel,
l'intimée a néanmoins qualité pour critiquer des points de l'arrêt qui
lui sont défavorables (cf. RO 89 I 523 et les arrêts cités). Mais elle
n'a pas motivé ses griefs d'une façon conforme à l'art. 90 lettre a OJ,
applicable par analogie au mémoire de réponse à un recours de droit
public. Elle n'a notamment pas pris position sur la motivation adoptée
par la Cour de justice au sujet de l'impartialité des arbitres et de
l'égalité des parties. Les griefs soulevés sont donc irrecevables.

    Mais, même si on pouvait examiner ces griefs, on devrait les
rejeter. En effet, Alimenta S.A. a accepté librement de se soumettre à
un éventuel arbitrage en insérant dans le contrat la clause "GAFTA 100",
qui prévoit un tel arbitrage. La procédure de désignation des arbitres,
prévue par cette clause, ne prête pas à la critique. L'intimée est
entrée en matière sans réserve sur le fond - du moins ne prétend-elle
pas le contraire - et elle a interjeté appel; elle n'a pas mis en doute
concrètement l'indépendance, la capacité et l'impartialité des arbitres. La
situation est, sinon identique, du moins très proche de celle de l'affaire
Egetran (RO 93 I 49 ss). Quant à la règle de procédure selon laquelle la
sentence rendue en première instance ne peut être modifiée en appel que
par une majorité qualifiée des arbitres d'appel, elle ne viole pas l'ordre
public suisse: le concordat intercantonal sur l'arbitrage prévoit lui-même,
aux art. 31 al. 2 et 11 al. 4, que la convention d'arbitrage peut exiger
que la sentence soit rendue à l'unanimité ou par une majorité qualifiée
des arbitres.

Erwägung 4

    4.- En déclarant contraire à l'ordre public l'exécution d'une sentence
arbitrale non motivée, la Cour de justice n'a pas ignoré que le Tribunal
fédéral avait statué en sens contraire dans l'arrêt Roth du 9 octobre 1936
(RO 62 I 143); mais elle a estimé qu'en raison de l'évolution du droit
public suisse intervenue depuis 1936, cette jurisprudence ne pouvait pas
être maintenue, tout au moins pas dans le cas d'espèce. On ne saurait
partager cette opinion; un nouvel examen de cette jurisprudence permet
au contraire de la confirmer.

    a) Le Tribunal fédéral a admis dans l'arrêt Hoepffner du 21 janvier
1959 (RO 85 I 47 consid. 4a) que la réserve de l'ordre public peut être
invoquée non seulement à l'encontre du contenu d'une sentence arbitrale
étrangère dont l'exécution est requise en Suisse, mais également à
l'encontre de la procédure dont elle est issue. Cette jurisprudence a
été constamment confirmée depuis lors (cf. RO 98 Ia 533 consid. 3 et les
arrêts cités).

    La réserve de l'ordre public suisse a une portée plus restreinte
en matière de reconnaissance et d'exécution des sentences arbitrales
étrangères qu'en matière d'application du droit étranger par les tribunaux
suisses. En ce qui concerne le fond, cela signifie que l'exécution ne
doit pas forcément être refusée dans le cas où le juge saisi estime que,
s'il était appelé à appliquer lui-même directement le droit étranger en
vertu d'une règle de renvoi, il pourrait refuser de le faire en raison
de l'incompatibilité de ce droit avec l'ordre juridique suisse (RO 98
Ia 533 consid. 3 et les arrêts cités); en ce qui concerne la procédure,
ladite limitation signifie qu'un vice de procédure ne doit pas forcément
entraîner le refus d'exécuter la sentence étrangère, alors même qu'un
tel vice entraînerait l'annulation d'une sentence rendue en Suisse: il
faut qu'il s'agisse de la violation de principes fondamentaux de l'ordre
juridique suisse, qui heurte d'une façon intolérable le sentiment du
droit (cf. RO 96 I 391, 87 I 193 et les arrêts cités). Il faut observer
à ce sujet que plus sont détaillées les conditions formelles auxquelles
une convention subordonne l'exécution des sentences arbitrales, moins
est étendu le champ d'application de la réserve - expresse ou tacite -
de l'ordre public: cette réserve ne doit pas permettre d'exclure, par des
voies détournées, l'application des conventions internationales signées par
la Suisse et qui font partie du droit suisse, donc d'exclure finalement
l'application du droit suisse (RO 94 I 362 ss, 81 I 231 consid. 5, 81
II 179); elle ne doit pas aboutir en dernière analyse à une violation du
traité, dont le but est justement de reconnaître l'existence de systèmes
juridiques différents et de les coordonner (cf. aussi STEIN-JONAS,
Kommentar zur Zivilprozessordnung, 19e éd., Tübingen 1970, Anhang zu §
1044, A II art. 1, II 5).

    b) Selon le concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 mars 1969,
applicable dans le canton de Genève dès le 12 janvier 1971, les sentences
arbitrales doivent être motivées (art. 33 al. 1 lettre e); bien que cette
disposition figure parmi celles que le concordat déclare impératives
(art. 1er al. 3) et dont la violation ouvre la voie du recours en nullité
(art. 37), les parties peuvent néanmoins y renoncer expressément, selon
le texte même de l'art. 33 al. 1 lettre e. D'autre part, si le recours
en nullité se révèle bien fondé, il ne conduit pas nécessairement à
l'annulation d'une sentence arbitrale non motivée, l'autorité de recours
pouvant, pour des motifs d'opportunité, renvoyer la sentence au tribunal
arbitral et lui impartir un délai pour la rectifier ou la compléter
(art. 39). Enfin, même une sentence défectueuse doit être déclarée
exécutoire par l'autorité judiciaire visée à l'art. 3 du concordat, non
seulement lorsque les parties y ont formellement acquiescé, mais également
lorsque aucun recours en nullité n'a été intenté dans le délai de trente
jours dès la notification (art. 44 lettres a et b).

    Il ressort déjà de ces dispositions concordataires - examinées
librement par le Tribunal fédéral (RO 100 Ia 422 consid. 3) - que
l'obligation de motiver n'a pas la portée absolue que lui attribue la
Cour de justice: d'une part, la violation de cette obligation n'est
qu'un motif éventuel d'annulation; d'autre part et surtout, les parties
peuvent renoncer à cette obligation, à condition, il est vrai, de le
faire expressément. L'exigence de la motivation étant laissée à la libre
disposition des parties, elle ne peut pas être considérée comme un droit
auquel il serait impossible de renoncer ni, par conséquent, être déclarée
d'ordre public. On ne peut pas davantage considérer comme étant d'ordre
public l'exigence que la renonciation à la motivation soit expresse: une
loi qui admettrait aussi une renonciation tacite, par faits concluants (par
exemple: adhésion implicite au règlement d'arbitrage d'une institution
privée ou publique - cf. art. 1er al. 2 du concordat - dispensant les
arbitres de l'obligation de motiver) ne heurterait certainement pas de
façon intolérable le sentiment de la justice.

    A cela s'ajoute que le droit concordataire n'est pas encore adopté
par tous les cantons; à ce jour, seuls dix cantons et quatre demi-cantons
ont adhéré au concordat du 27 mars 1969. Les normes qui y sont contenues
ne peuvent donc pas être considérées comme ayant une portée générale
pour l'ensemble de la Suisse. Ainsi qu'il ressort de l'arrêt Vegetable
Oil Products Cy c. Elmassian, du 11 novembre 1959, le canton de Genève
pourrait être astreint, en dépit de l'obligation de motiver qui existe
chez lui, à accorder l'exequatur à une sentence arbitrale rendue dans
un canton qui n'a pas adhéré au concordat et dont le droit de procédure
n'impose pas la motivation de telles sentences.

    c) Loin d'être dépassée, la jurisprudence libérale de l'arrêt Roth
(RO 62 I 143), confirmée par l'arrêt Vegetable Oil Products Cy de 1959,
est conforme à la jurisprudence récente d'autres pays qui connaissent
l'obligation de motiver, telles la France et la République fédérale
d'Allemagne.

    En Allemagne fédérale, l'absence de motifs est une cause d'annulation
d'une sentence arbitrale rendue dans le pays, à moins que les parties
n'aient convenu du contraire (art. 1041 al. 1 ch. 5 et al. 2 ZPO). En
revanche, l'art. 1044 ZPO, relatif à la déclaration d'exequatur des
sentences étrangères, ne mentionne pas l'absence de motifs parmi les
causes de refus de l'exequatur. Et, selon la doctrine et la jurisprudence
(STEIN-JONAS, op.cit., § 1044 III B 2a ss, et l'arrêt qui y est cité:
LG Berlin, KTS 66, 182), l'absence de motifs ne viole pas l'ordre public
réservé par l'al. 2 de l'art. 1044 ZPO (cf. aussi WALKER, Die freie
Gestaltung des Verfahrens vor einem internationalen Schiedsgericht durch
die Parteien, thèse Zurich 1968, p. 51).

    Quant à la France, dont la jurisprudence prévoit l'obligation de
motiver les sentences rendues dans le pays, elle n'impose pas la même
exigence aux sentences arbitrales étrangères, notamment à celles qui
ont été rendues en Grande-Bretagne (Cour de cassation, arrêt Broutchoux
c. Elmassian du 14 juin 1960, publié dans Revue de l'arbitrage, 1960,
p. 97; cf. aussi la sentence d'appel dans cette même affaire, publiée dans
la même revue, 1958, p. 122). La doctrine approuve cette jurisprudence
(cf. PH. FOUCHARD, L'arbitrage commercial international, Paris 1965,
n. 529-531 p. 346 ss). Les Pays-Bas semblent également adopter une telle
jurisprudence (P. SANDERS, Arbitrage international commercial, Paris 1956,
p. 22 et 404).

    d) La Convention sur l'arbitrage commercial international, signée à
Genève le 21 avril 1961, codifie une solution analogue. Sous le titre
"Motifs de la sentence", l'art. VIII établit la présomption que les
parties ont voulu que la sentence soit motivée, à moins qu'elles n'aient
déclaré expressément y renoncer, ou qu'elles se soient "soumises à une
procédure arbitrale dans le cadre de laquelle il n'est pas d'usage de
motiver les sentences et pour autant, dans ce cas, que les parties ou
l'une d'elles ne demandent pas expressément avant la fin de l'audience,
ou s'il n'y a pas d'audience, avant la rédaction de la sentence, que la
sentence soit motivée".

    Même si la Suisse n'a pas adhéré à cette convention, il n'est pas
hors de propos de se référer à une solution adoptée par des experts
pour trancher un problème délicat posé par la coexistence, sur le plan
international, de systèmes juridiques différents et de traditions diverses,
solution analogue à celle qu'a retenue le Tribunal fédéral il y a près de
quarante ans. A cette occasion déjà, le Tribunal fédéral avait relevé que
la non-motivation des sentences arbitrales était d'usage en Grande-Bretagne
(CURTI, Englands Zivilprozess, p. 105 s.; cf. SANDERS, dans Arbitrage
international commercial, Paris 1956 p. 22 et MACASSEY, même ouvrage
p. 82). Il en avait déduit que la Suisse, qui avait connaissance de ce
fait lorsqu'elle a adhéré à la Convention de Genève de 1927, dont la
Grande-Bretagne est signataire et qui ne subordonne pas expressément
l'exécution d'une sentence étrangère au fait qu'elle soit motivée,
avait implicitement admis que l'absence de motivation ne pouvait pas être
invoquée pour refuser l'exequatur des sentences rendues en Grande-Bretagne
(RO 62 I 145 s.).

    Cet argument essentiel, qui se fonde sur la nécessité de respecter les
accords internationaux et vise à atteindre les buts que s'est fixés ladite
Convention, garde toute sa valeur aujourd'hui. Il y a d'autant moins de
raisons de revoir cette jurisprudence que la législation sur l'arbitrage
en vigueur en Angleterre et au Pays de Galles (Arbitration Act de 1950)
confère aux tribunaux ordinaires un large pouvoir d'intervention dans la
procédure arbitrale (cf. MACASSEY, op.cit., p. 66; FOUCHARD, op.cit.,
p. 346 n. 529, avec citations de jurisprudence).

    e) On peut sans doute reprocher à la jurisprudence précitée de rendre
plus difficile, en raison de l'absence de motivation, la tâche du juge
de l'exequatur, appelé à contrôler si la sentence arbitrale viole l'ordre
public par son contenu.

    Mais un tel risque, qui n'est d'ailleurs pas grave en raison du
pouvoir d'intervention des tribunaux ordinaires britanniques, doit
être supporté par la partie qui a librement accepté, en raison d'autres
avantages, de se soumettre à une juridiction arbitrale dans un pays où
prévaut l'usage de ne pas motiver les sentences. Au surplus, une partie
peut facilement éviter un tel risque en demandant expressément que la
sentence soit motivée, exigence à laquelle les arbitres ne pourraient pas
se soustraire, notamment pas lorsque la sentence doit être exécutée dans
un pays qui impose la motivation (cf. MACASSEY, op.cit., p. 82).

    D'autre part, rien n'empêche la partie contre laquelle l'exécution
est demandée d'utiliser d'autres moyens pour prouver que le contenu
de la sentence viole l'ordre public international de la Suisse. En
revanche, si on lui permettait de se prévaloir purement et simplement de
l'absence de motifs pour s'opposer à l'exécution d'une sentence rendue
en application d'une procédure librement choisie, cela reviendrait bien
souvent à protéger une attitude contraire aux exigences de la bonne foi
(cf. Message du Conseil fédéral du 26 août 1929, FF 1929 II 159; FOUCHARD,
op.cit., p. 348 n. 530).

    Le fait que la motivation des décisions des autorités étatiques
est expressément requise par une grande partie des cantons et qu'elle
peut, sous certaines conditions, être considérée comme une exigence
constitutionnelle découlant de l'art. 4 Cst. (cf. RO 98 Ia 464 ss), ne
permet pas de conclure que les mêmes principes doivent nécessairement
s'appliquer aux procédures arbitrales, où l'autonomie des parties joue un
rôle bien plus important et qui, choisies librement en raison d'autres
avantages, ne doivent pas nécessairement présenter les mêmes garanties
que le recours à la juridiction étatique ordinaire.

    f) Il faut donc admettre, en confirmation de la jurisprudence, que
l'absence de motif dans une sentence arbitrale rendue en Grande-Bretagne ne
justifie pas, à elle seule, le refus d'accorder l'exequatur pour violation
de l'ordre public.

Erwägung 5

    5.- Devant la Cour de Justice, l'intimée n'avait pas prétendu que
la sentence eût été prononcée par un tribunal arbitral non prévu par la
clause compromissoire ou constitué de façon non conforme à l'accord des
parties ou aux règles de droit applicables à la procédure d'arbitrage
(art. 1er al. 2 lettre c de la Convention), ni que la sentence ne fût
pas devenue définitive en Grande-Bretagne au sens de la lettre d de
cette même disposition. La Cour de justice avait dès lors retenu que
les conditions prévues par ces dispositions étaient remplies. L'intimée
soutient néanmoins, dans sa réponse au recours de droit public, que la
recourante n'a pas prouvé que les conditions prévues sous lettres c et d
de l'art. 1er al. 2 de la Convention fussent remplies, alors même qu'elle
en avait l'obligation en vertu de l'art. 4 de la Convention; l'intimée
en déduit que l'exécution de la sentence aurait dû être refusée.

    Si des moyens nouveaux sont admis dans un recours de droit public
non soumis à l'exigence de l'épuisement des instances cantonales (RO 99
Ia 86 consid. 3b), il faut reconnaître aussi que l'intimée, qui n'avait
pas d'intérêt à former un recours de droit public contre une décision
qui lui était favorable, peut également soulever de tels moyens, pour
le cas où le Tribunal fédéral serait amené à casser ladite décision,
en reconnaissant bien fondés les griefs du recourant (cf. RO 86 I 225
s.; cf. aussi RO 89 I 523). Mais les moyens de l'intimée doivent aussi
satisfaire aux exigences de l'art. 90 OJ, applicable par analogie à la
réponse à un recours de droit public.

    Or l'intimée s'est contentée, en l'espèce, d'alléguer que les
conditions prévues sous lettres c et d de l'art. 1er al. 2 de la Convention
n'étaient pas remplies, sans motiver plus avant ses allégations et sans
en apporter la preuve, de sorte que les griefs soulevés sur ce point
sont irrecevables.

    Mais même si la chambre de céans pouvait examiner ces griefs, elle
devrait admettre que la recourante a fourni les preuves requises, ainsi
qu'on va le voir.

    a) Les moyens nouveaux que le recourant peut soulever dans un recours
de droit public non subordonné à l'épuisement des instances cantonales
doivent l'être en principe dans le délai de trente jours prévu par
l'art. 89 OJ (cf. RO 90 I 250 s.). Mais si la production de tels moyens
est rendue nécessaire par des griefs nouveaux soulevés par l'intimé dans
sa réponse, cette production peut intervenir dans la réplique. Tel est le
cas, en l'espèce, des documents supplémentaires produits par la recourante
dans sa réplique, pour faire pièce aux griefs soulevés par l'intimée dans
sa réponse.

    C'est à tort que l'intimée se plaint, dans sa duplique, de ce que les
pièces produites par la recourante ne lui aient pas été notifiées; ces
pièces ont été déposées en annexe à la réplique, laquelle a été communiquée
pour une éventuelle duplique à l'intimée; celle-ci avait la possibilité,
si elle l'estimait utile ou nécessaire, de demander au Tribunal fédéral
de prendre connaissance de ces pièces; si elle ne l'a pas fait, elle ne
peut s'en prendre qu'à elle-même.

    b) Les pièces produites par la recourante révèlent qu'il n'y a
pas de motifs de douter que les sentences arbitrales ont été rendues
par les arbitres prévus par la clause compromissoire et que la
désignation de ceux-ci s'est faite conformément aux règles de droit
applicables à la procédure d'arbitrage (art. 1er al. 2 lettre c de
la Convention). Ainsi l'exigence posée par l'art. 4 al. 1 ch. 3 de la
Convention est manifestement satisfaite, exigence qui n'a d'ailleurs pas
un caractère absolu, les pièces en question ne devant être fournies que
"le cas échéant", c'est-à-dire s'il subsiste des doutes sur les points en
question, notamment si l'existence des conditions d'exécution prévues par
l'art. 1er al. 1 et 2 lettres a et c est contestée, avec motifs à l'appui,
par la partie contre laquelle l'exécution est requise.

    Il est également prouvé, notamment par le certificat de coutume du
14 août 1975, que les sentences arbitrales sont devenues définitives en
Grande-Bretagne; l'intimée ne prétend d'ailleurs pas non plus qu'elles
auraient fait l'objet de recours ou d'opposition devant les autorités
judiciaires de ce pays. Ainsi l'exigence prévue par la lettre d du même
art. 1er al. 2 de la Convention est également satisfaite.

Entscheid:

            Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.