Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 IA 124



101 Ia 124

23. Extrait de l'arrêt du 19 février 1975 en la cause Chambre fribourgeoise
des agents généraux d'assurances et Pierre Devaud contre Conseil d'Etat
du canton de Fribourg. Regeste

    Art. 31 BV; obligatorische Schulversicherung; Monopol zugunsten einer
öffentlichen Versicherungskasse.

    1. Beschwerdelegitimation des Vereins der Versicherungsgeneralagenten
(E. 2).

    2. Errichtung eines Monopols zugunsten einer öffentlichen
Versicherungskasse im Falle der obligatorischen Schulunfallversicherung
(E. 8).

Sachverhalt

    A.- La loi fribourgeoise du 18 novembre 1971 a créé une "assurance
scolaire contre les accidents". Sont assurés les enfants et adolescents qui
fréquentent diverses écoles publiques ou privées ou qui, pour des raisons
de santé ou d'invalidité, ne peuvent suivre l'école. L'assurance scolaire
contre les accidents garantit à titre complémentaire et subsidiaire
les soins médicaux, hospitaliers et dentaires, ainsi que des indemnités
d'invalidité et de décès. Selon l'art. 5 de la loi, la Mutualité scolaire,
caisse publique d'assurances au sens de l'art. 2 al. 1 lit b LAMA, est
chargée de l'institution de l'assurance. Elle confie à une compagnie
d'assurances privée la couverture des indemnités d'invalidité et de
décès. Les parents supportent le 50% des primes, le solde étant pris en
charge à raison de 25% par l'Etat et de 25% par les communes.

    Le Conseil d'Etat adopta le 17 septembre 1973 le règlement d'exécution
de la loi. Il autorisa les caisses-maladie et accidents et les compagnies
d'assurances à pratiquer l'assurance scolaire obligatoire contre les
accidents; toutefois, seul le 50% des primes dues à la Mutualité scolaire
par des assurés dont les parents étaient domiciliés sur le territoire du
canton était pris en charge par l'Etat.

    Agissant par la voie du recours de droit public, la Chambre
fribourgeoise des agents généraux d'assurances et Pierre Devaud ont requis
le Tribunal fédéral d'annuler le règlement du 17 septembre 1973. La Chambre
fribourgeoise des agents généraux d'assurances soutient notamment qu'en
mettant le 50% des primes à la charge de l'Etat dans le cas seulement où
l'assuré est affilié à la Mutualité scolaire, le Conseil d'Etat a créé
un monopole de fait en faveur de cette institution, sans tenir compte
des caisses de secours existantes. Elle estime que ce monopole, de type
purement fiscal, est contraire à l'art. 31 Cst. Pierre Devaud se plaint
notamment de la violation du principe de la séparation des pouvoirs et
se dit lésé dans ses droits politiques en ceci que le Conseil d'Etat
a institué un monopole que seule une loi soumise au référendum aurait
pu créer.

    Le Tribunal fédéral a rejeté les recours en tant qu'ils étaient
recevables.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) D'après ses statuts, la Chambre fribourgeoise des agents
généraux d'assurances est une association des art. 60 ss CC qui a pour but
de sauvegarder les intérêts de ses membres, en particulier de participer
activement à la législation fédérale et cantonale, avant tout dans le
domaine des assurances et de l'imposition fiscale. Selon la jurisprudence,
une association professionnelle qui a un tel but peut agir par la voie du
recours de droit public sans être elle-même touchée par l'acte attaqué,
à la condition que ses membres soient personnellement lésés par cet acte,
du moins en majorité ou en grand nombre (RO 100 Ia 99, consid. b et les
arrêts cités).

    Le Conseil d'Etat conteste en l'espèce que les agents généraux
d'assurances affiliés à l'association recourante soient personnellement
lésés par le règlement attaqué. Il soutient que l'intérêt des agents
généraux est purement économique, le règlement litigieux ne les empêchant
pas en droit de pratiquer l'assurance scolaire contre les accidents. Il
considère en outre que ce sont tout au plus les compagnies d'assurances
elles-mêmes qui pourraient juridiquement se prétendre lésées, et non pas
leurs agents généraux.

    La première de ces deux objections est manifestement mal fondée. C'est
en effet du fond que relève la question de savoir si le règlement
attaqué crée un monopole en faveur de la Mutualité scolaire et, dans
l'affirmative, si ce monopole est contraire à la constitution. Il suffit
que les recourants le prétendent pour qu'ils puissent recourir.

    La seconde objection du Conseil d'Etat soulève une question que le
Tribunal fédéral a laissée ouverte dans un cas semblable, où il s'agissait
d'un recours formé notamment par la Chambre genevoise des agents généraux
d'assurances contre un règlement conférant à une Caisse publique un
prétendu monopole en matière d'assurance scolaire contre les accidents
(RO 93 I 38 ss, 46). Cette question doit être tranchée en l'espèce. En
effet, la Chambre fribourgeoise des agents généraux d'assurances est
seule recourante pour le recours qu'elle a intenté et elle pouvait
seule invoquer la violation de l'art. 31 Cst. Les agences générales
des compagnies privées d'assurances sont de deux sortes: les agences
autonomes, qui forment chacune une entreprise exploitée par l'agent, et
les agences en régie, qui sont des sortes de succursales. Dans le premier
cas, l'agent a un intérêt juridique personnel, en tant qu'entrepreneur,
à ce que certaines garanties constitutionnelles soient respectées, en
particulier la liberté du commerce et de l'industrie. Dans le second cas,
ce même intérêt est au premier chef celui de la compagnie d'assurances,
mais on peut admettre que l'agent la représente dans son rayon d'activité
et pour les questions dont la portée se limite à ce rayon, ce qui est
le cas en l'espèce. La recourante affirme d'ailleurs, à vrai dire sans
le prouver, que le présent recours a été formé avec l'accord exprès des
compagnies d'assurances intéressées.

    La qualité pour recourir de la Chambre fribourgeoise des agents
généraux d'assurances doit dès lors être admise.

    b) Selon le Conseil d'Etat, Pierre Devaud est agent général de la
Compagnie privée d'assurances auprès de laquelle il a assuré ses enfants
contre les accidents. Ce n'est cependant pas à ce titre qu'il agit. Ainsi
qu'il le dit clairement dans son recours, c'est en qualité de citoyen
actif du canton de Fribourg et de preneur d'assurance pour ses trois
enfants. En vertu de la première de ces deux qualités, il pouvait sans
autre condition se plaindre, ainsi qu'il le fait, de violation de la
séparation des pouvoirs et d'atteinte au droit de référendum, sur la
base de l'art. 85 lit. a OJ. En tant que preneur d'assurance, il était
fondé à se plaindre d'une éventuelle inégalité de traitement, comme aussi
d'une atteinte à sa liberté contractuelle préjudiciable à ses intérêts,
tels qu'il les conçoit. Le point de savoir si ces griefs sont fondés ou
non relève du fond.

Erwägung 8

    8.- a) En 1919, le législateur fribourgeois a institué pour les
élèves des écoles primaires l'assurance obligatoire contre la maladie.
Cette assurance a été par la suite étendue aux autres élèves. Dans son
message du 22 octobre 1971 accompagnant le projet de loi créant une
assurance scolaire contre les accidents, le Conseil d'Etat a mis en
lumière les insuffisances du régime alors en vigueur, en particulier en
ce qui concernait la couverture des risques d'accidents. Il a souligné
que, dans tous les cantons, à l'exception de celui de Fribourg, les
élèves de tous les degrés de scolarité étaient couverts, grâce à des
mesures d'ensemble, contre ces risques. Il a également fait état de la
responsabilité des collectivités publiques pour les accidents liés à la
fréquentation des écoles (Bulletin officiel du Grand Conseil, 1971, IVe
cahier, p. 1336/1337). En instituant l'assurance scolaire obligatoire
contre les accidents, le législateur a entendu combler les lacunes
du système d'assurance sociale des élèves des écoles fribourgeoises.
L'intérêt public justifiait certainement une telle décision.

    b) Pour atteindre le but visé, le législateur a créé un monopole de
droit en faveur de la Mutualité scolaire, caisse publique d'assurances. Il
a ainsi mis en balance les intérêts de l'Etat à la réalisation et à
l'exécution de cette assurance, ceux des assurés ainsi que ceux des autres
caisses-maladie et compagnies d'assurances qui pratiquent l'assurance
scolaire obligatoire. Le Tribunal fédéral ne peut revoir qu'avec retenue
le résultat de cette pesée des intérêts, car il ne lui appartient pas
de substituer son appréciation à celle de l'autorité cantonale sur une
question dont la solution dépend des conditions locales. Il n'interviendra
en l'espèce que si l'institution d'un monopole apparaît comme un moyen
disproportionné pour atteindre le but d'intérêt public que le législateur
s'est fixé (RO 96 I 207/208).

    L'assurance scolaire obligatoire créée par la loi du 18 novembre 1971
couvre tous les risques d'accidents; elle s'étend donc aux accidents
survenant en dehors des activités scolaires. Le législateur a en
effet considéré que toutes les activités des élèves sont à ce point
interdépendantes qu'il n'était guère possible de les dissocier ou d'en
limiter la portée du risque. La création d'une assurance unique évitait
ainsi toute discussion sur la question de savoir dans quelle mesure
et par qui les risques d'accidents étaient couverts. Les assurés,
comme leurs familles, ne pouvaient qu'en tirer avantage. Un monopole
devait par ailleurs faciliter l'exécution de la loi et le contrôle
de l'assujettissement de tous les élèves à l'assurance contre les
accidents. Le fait que la responsabilité des collectivités publiques est
engagée pour une part relativement importante des risques d'accidents
courus par les enfants en âge de scolarité militait également en faveur de
la création d'un monopole. Enfin, l'exécution de l'assurance scolaire
contre les accidents par une seule caisse publique, qui assure ses
membres selon le principe de la mutualité, devait permettre d'obtenir des
conditions d'assurance plus avantageuses, ce qui est dans l'intérêt tant
de l'Etat, qui prend à sa charge une partie des primes, que des assurés
et de leurs parents. Le subventionnement de cette assurance par les
collectivités publiques conduisait également à l'adoption d'une solution
qui évite toute complication.

    Ces motifs sont certainement suffisants pour que l'on puisse admettre
la création d'un monopole de droit en faveur de la Mutualité scolaire. Si
celle-ci n'est pas la seule solution possible pour atteindre le but
d'intérêt public que le législateur s'est fixé, elle ne constitue pas
un moyen disproportionné, compte tenu notamment du fait que l'assurance
scolaire contre les accidents ne peut être considérée comme un complément
de l'assurance-maladie obligatoire, au sens de la LAMA.

    c) Les motifs qui conduisent à l'admission d'un monopole de droit en
faveur de la Mutualité scolaire permettent de conclure à l'admissibilité
du monopole tel qu'il a été aménagé par le règlement d'exécution
de la loi. La recourante soutient certes que celui-ci vise des fins
purement fiscales. Mais cet argument ne peut être retenu au regard de
la définition du monopole fiscal, telle que la jurisprudence l'a établie
(RO 95 I 150/151).

    La Chambre des agents généraux d'assurances ne peut ainsi se plaindre
d'une violation de l'art. 31 Cst. Elle ne saurait en particulier exiger
des collectivités publiques qu'elles prennent à leur charge une partie
des primes dues par les assurés, pas plus qu'elle ne peut demander une
répartition en faveur de ses membres de la part des primes dont le paiement
incombe aux pouvoirs publics.