Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IV 38



100 IV 38

11. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 1er mars 1974, dans la cause
Jeanneret contre Ministère public du canton de Neuchâtel. Regeste

    Strafbarkeit von Handlungen, die im Geschäftsbetrieb einer
Aktiengesellschaft begangen werden.

    1.  Abgesehen von Ausnahmen, namentlich im Verwaltungs- und
Finanzstrafrecht, ist die juristische Person nicht straffähig. Es sind
vielmehr die verantwortlichen Organe, die für die von ihnen begangenen
Handlungen strafrechtlich einzustehen haben (Erw. 2 a).

    2.  Die Art. 172 und 326 StGB sind erlassen worden, um die
Strafverfolgung gegen die Organe zu ermöglichen, wenn bei Spezialdelikten
die juristische Person die besondere Eigenschaft der Straffähigkeit
hat. Bei gemeinrechtlichen Delikten kann der Richter nach der ratio legis
eine ähnliche Regelung vornehmen, indem er den Täterbegriff so auslegt,
wie er im Gesetz selber enthalten ist (Erw. 2 b).

    3.  Der strafrechtliche Begriff des Organs deckt sich nicht mit
demjenigen im Zivilrecht. Jener ist weiter gefasst und schliesst alle
Personen ein, die im Rahmen der Gesellschaftstätigkeit eine selbständige
Entscheidungsbefugnis haben (Erw. 2 c).

Sachverhalt

    A.- Jean-Luc Jeanneret a été l'employé de la maison Seitz SA jusqu'au
17 août 1973. A ce titre, il était chargé des formalités relatives à la
police des étrangers lors de l'engagement de personnel frontalier. Du 5
mars au 31 juillet 1973, dans 16 cas, il ne s'est pas acquitté de sa tâche.

    B.- Le 6 décembre 1973, le Président du Tribunal de police du district
du Locle a condamné Jeanneret à 160 fr. d'amende, avec un délai d'épreuve
et de radiation d'une année, pour violation des art. 3 al. 2 et 23 al. 2
LSEE. Le pourvoi interjeté contre cette décision a été rejeté le 9 janvier
1974 par la Cour de cassation pénale de Neuchâtel.

    C.- Jeanneret se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral, il conclut
à libération.

    Le Ministère public propose le rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recourant se fonde sur l'arrêt Zelig (RO 97 IV 202) pour
soutenir que la responsabilité pénale d'une infraction commise dans
la gestion d'une personne morale incombe exclusivement à ceux qui ont
commis les faits incriminés en tant qu'organes. Lui-même n'ayant pas
cette qualité auprès de la société qui l'employait, le premier juge
aurait violé le principe "nulla poena sine lege" en comblant par une
interprétation analogique la lacune qui résulterait dans la loi - il en
est de même aux art. 172 et 326 CP - d'une omission dans l'énumération
des personnes responsables. Il juge enfin inadmissible d'être puni
en tant que représentant de son employeur, puisqu'il n'existe pas de
représentation en matière pénale.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 3 al. 2 LSEE, l'étranger ainsi que son
employeur sont tenus de renseigner exactement l'autorité sur tout ce qui
est de nature à déterminer sa décision. Le recourant a été reconnu coupable
de violation de cette obligation et condamné conformément à l'art. 23
LSEE, sans qu'il soit cependant précisé quel alinéa de cette disposition
a trouvé application. Ce ne peut manifestement être le deuxième, indiqué
par le premier juge, mais vraisemblablement la disposition générale de
l'al. 3, dont le contenu d'ailleurs doit être interprété en fonction du
précédent. Le recourant a donc été condamné comme "employeur".

    a) Il n'est pas contestable que, du point de vue du droit civil,
l'employeur du personnel frontalier est la société auprès de laquelle
travaillait le recourant. En tant que personne morale, sous réserve
d'exceptions (en droit administratif et fiscal notamment, RO 64 I 53,
82 IV 45) qui n'entrent pas en ligne de compte en l'espèce, celle-ci
n'est pas punissable. En effet, le droit pénal réprime les comportements
contraires à un devoir ou à une interdiction découlant de la loi. Si les
personnes morales peuvent acquérir tous les droits et assumer toutes les
obligations qui ne sont pas inséparables des conditions naturelles de
l'homme (art. 53 CC), elles ne peuvent par définition agir, donc avoir un
comportement relevant du droit pénal, que par l'intermédiaire de leurs
organes (art. 54 CC). Lorsque, dans le cadre des activités sociales,
une obligation déterminée incombe à la personne morale, ce sont les
organes compétents qui assument la tâche de la remplir. De ce fait,
ils répondent personnellement, au point de vue pénal, de l'inexécution
de leur devoir. Ce n'est alors nullement un cas de représentation, car
l'application du droit pénal, au contraire de celle du droit civil, ne
dépend pas au premier chef de la personne qui devra réparer le dommage
causé, mais de celle qui a agi matériellement (RO 41 I 215; WIESENER,
Die strafrechtliche Verantwortlichkeit von Stellvertretern und Organen,
p. 125, 133, 137, 171, 185).

    b) Aux art. 172 et 326 CP, dont le recourant se prévaut, le
législateur a énuméré les personnes susceptibles de répondre pénalement
de certains actes commis dans la gestion d'une personne morale. Il
s'agit des infractions prévues aux art. 147, 163-170 et 323-325 CP,
qui peuvent ainsi entraîner la condamnation des directeurs, des fondés
de pouvoir, des membres de l'administration ou d'un organe de contrôle,
voire des liquidateurs, pour autant qu'ils en aient accompli les actes
constitutifs. L'art. 23 LSEE n'est pas compris dans l'énumération de ces
infractions. Il serait cependant faux d'en conclure que les organes de
la personne morale échappent dans ce cas à toute responsabilité pénale.
Car les art. 172 et 326 CP n'ont pas pour effet de consacrer un régime
exceptionnel. Au contraire, ils sont destinés à assurer la punissabilité
des organes lorsque, s'agissant des délits spéciaux qu'ils mentionnent,
c'est la personne morale et non le ou les organes qui a la qualité
particulière entraînant la répression (RO 91 IV 203; SCHULTZ, RJB
1972 p. 350). S'il résulte clairement du précédent cité que, pour punir
l'organe d'une personne morale qui a accompli les actes constitutifs d'un
délit commun (art. 148, 251), il n'est pas besoin de faire appel à une
règle analogue à celle de l'art. 172 CP, on pourrait être tenté d'en
déduire qu'il n'en va pas de même s'agissant des délits spéciaux. Ce
serait cependant une erreur, car la question à juger n'était pas là en
l'occurrence et d'ailleurs une telle conclusion ne résisterait pas à
l'examen. Il ressort en effet sans équivoque des travaux préparatoires
auxquels se réfère l'arrêt Zelig que le législateur, en édictant les
art. 172 et 326 CP, ne voulait pas résoudre d'une manière complète
"la grosse question de la capacité au délit des personnes juridiques"
(Rapport de la deuxième commission d'experts, p. 419, déclaration de
Gautier; Bull. stén. CN 1929, p. 115, déclaration du rapporteur Logoz). Il
a seulement entendu, pour un nombre déterminé d'infractions, donner
au juge une solution pratique, en lui laissant au surplus la liberté
de raisonner, dans d'autres hypothèses, par analogie ou de toute autre
manière. Rien n'empêche donc, en appliquant l'art. 23 al. 3 en relation
avec l'art. 3 al. 2 LSEE, de déterminer en fonction de la ratio legis
si un organe ou tout autre représentant de la personne morale doit être
considéré comme employeur. Dès lors que la solution prévue aux art. 172 et
326 CP, et qualifiée déjà au cours des travaux parlementaires de "règle
raisonnable", a fait ses preuves dans la jurisprudence et du moment que
le but visé par les dispositions en cause de la LSEE n'exige pas une autre
réglementation, il se justifie de ne pas s'écarter du système général. La
cour de céans s'est déjà exprimée dans ce sens (RO 99 IV 116). Il n'est en
effet pas contraire au principe "nulla poena sine lege" de procéder ainsi,
puisqu'il ne s'agit pas d'une libre création de droit (freie Rechtsfindung)
au détriment de l'accusé, mais de l'interprétation de la notion d'auteur
telle qu'elle est contenue dans la loi même (cf. RO 78 IV 39; SCHULTZ,
Einführung in den Allgemeinen Teil des Strafrechtes I, p. 222 infra;
SCHWANDER, Schweiz. StGB, nos 113 et 622 in fine).

    c) D'une manière générale, la responsabilité pénale résultant de
l'inobservation des devoirs imposés par la LSEE à l'employeur peut
donc, lorsque celui-ci est une personne morale, incomber aux organes
de celle-ci. Il reste à déterminer qui, en l'occurrence, doit être
considéré comme organe. L'énumération de l'art. 172 - la même que celle
de l'art. 326 - CP fait apparaître que le cercle des personnes visées
ne se confond pas avec celui des personnes qui ont qualité d'organe au
sens du droit civil. Pour celui-ci notamment, le fondé de pouvoir qui
figure dans la liste indiquée n'est qu'un tiers habilité par un organe
pour accomplir certaines tâches de gestion de la personne morale (VON
TUHR/SIEGWART, Partie générale du code des obligations, I, p. 328). La
notion d'organe est donc plus étendue en droit pénal. C'est pourquoi la
cour de céans a défini le membre d'un conseil d'administration non pas
comme une personne désignée formellement comme tel en vertu des statuts,
mais comme celui qui exerce matériellement cette fonction (RO 78 IV 30; 97
IV 14). De même a-t-il été jugé que le fonctionnaire intermédiaire d'une
administration publique, habilité à recruter et à engager du personnel
étranger, agissait dans ce domaine en qualité d'organe et répondait
de ce fait pénalement de l'inobservation des obligations incombant à la
personne morale de droit public en vertu de l'art. 3 al. 3 LSEE (RO 99 IV
116). Une telle solution, qui s'écarte de celle du droit civil, s'impose
car, s'agissant d'organismes importants, qu'ils soient de droit public
ou privé, chez lesquels la répartition des tâches est une nécessité, il
est courant que des employés ou fonctionnaires de rang intermédiaire se
voient confier, en matière d'engagement d'employés notamment, des tâches
dans l'accomplissement desquelles ils sont appelés à exercer un pouvoir
de décision autonome. C'est à eux qu'incombent alors, le cas échéant,
les obligations mises à charge de l'employeur par la LSEE, sans quoi
cette dernière resterait lettre morte, s'agissant des personnes morales.

    d) In casu, au sujet de la position du recourant, l'arrêt attaqué ne
donne pas d'éléments concluants. Il précise seulement que le recourant
avait "la responsabilité des formalités relatives à l'engagement des
ouvriers étrangers", qu'il avait scrupuleusement exécuté son travail
pendant deux ans et qu'il était connu de l'agent communal préposé
au contrôle. Supposé que le recourant ait eu exclusivement pour tâche
d'exécuter les formalités en cause, sans disposer d'un pouvoir propre de
décision en matière d'engagement du personnel, il n'aurait alors exercé
qu'une pure fonction d'exécution telle qu'elle est confiée à un employé
subalterne dans l'accomplissement de sa tâche (cf. RO 87 II 187). Ce
serait insuffisant à lui faire endosser la responsabilité de l'employeur
au sens de la LSEE (cf. RO 99 IV 116).

    Il convient donc d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause
à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des
considérants, après avoir fait toute la lumière possible sur le point de
fait déterminant.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la
juridiction cantonale pour nouvelle décision.