Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 II 361



100 II 361

55. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 17 septembre 1974 dans
la cause Seilaz & Cie contre S.I. Bel Aurore C et D

SA Regeste

    Art. 413 Abs. 1 OR, ausschliesslicher Mäklervertrag.

    Gültigkeit einer Klausel, die dem Auftraggeber verbietet, die Dienste
eines andern Mäklers zu beanspruchen, und die dem Mäkler das Recht auf den
Lohn einräumt, obwohl seine Tätigkeit mit dem Abschluss des Hauptvertrages
nicht zusammenhängt (Erw. 3).

    Der vertragliche Verzicht auf das Erfordernis des Kausalzusammenhanges
stellt in der Regel kein Schenkungsversprechen dar. Lohnanspruch des
Mäklers im konkreten Fall auf Grund einer Klausel bejaht, die bestimmt,
dass der Auftraggeber dem Mäkler die Provision schulde, auch wenn ein
Dritter den Käufer gefunden hat (Erw. 4).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Le 20 mars 1967, les sociétés S.I. Bel Aurore "C" SA et S.I. Bel
Aurore "D" SA ont reçu de la Gérance Seilaz & Fils (société en commandite)
une somme de 50 000 fr. à titre de prêt. Les débitrices devaient
confier en contrepartie à la créancière la gérance de deux immeubles
dont elles étaient propriétaires au chemin de la Cassinette à Lausanne,
ainsi qu'un mandat de courtage exclusif en vue de la vente ultérieure de
ces immeubles. Le 24 novembre 1967, les parties ont signé un engagement
intitulé "exclusivité de courtage", qui prévoyait l'établissement d'un
contrat de courtage exclusif "sur la formule de la Société vaudoise des
régisseurs et aux conditions usuelles rappelées au verso de cette formule".

    Le 6 mars 1968, les S.I. Bel Aurore "C" et "D" SA ont signé devant
notaire une reconnaissance de dette pour la somme de 50 000 fr. reçue à
titre de prêt le 20 mars 1967. Cet acte prévoit notamment que la créancière
ne pourra exiger le remboursement du prêt que lors de la vente de l'un
ou l'autre des immeubles ou du capital-actions de l'une ou l'autre des
débitrices et qu'"en compensation de ce prêt, les débitrices attribuent à
la créancière la gérance des immeubles et lui confèrent le mandat exclusif
de vente des propriétés, le tout selon contrats distincts". Par la suite,
les parties n'ont pas conclu par écrit de contrat de courtage distinct
et détaillé. Les sociétés propriétaires n'ont cependant jamais remis en
question la clause de courtage exclusif.

    Depuis 1970, la Gérance Seilaz & Fils a procédé à des études et
entrepris des démarches en vue de la vente du capital-actions des sociétés
immobilières ou des immeubles eux-mêmes. Les sociétés propriétaires,
représentées par leur administrateur Otto Kappeler, ont articulé un
prix de 2 550 000 fr., puis de 2 600 000 fr. Un des amateurs auxquels
la Gérance Seilaz & Fils a offert les immeubles, en octobre 1972, s'est
déclaré prêt à payer 2 550 000 fr. Seilaz & Fils a rappelé à Kappeler
l'exclusivité de courtage dont elle jouissait.

    Le 4 novembre 1972, les sociétés immobilières ont remboursé le prêt de
50 000 fr. La Gérance Seilaz & Fils a appris plus tard que les immeubles
avaient été vendus à La Genevoise pour le prix de 2 600 000 fr., le 30
novembre 1972. La négociation relative à cette transaction avait été
conduite par un collaborateur de l'agence Novimmob avec qui Kappeler
avait pris contact dès octobre 1971 en tout cas et qui a touché 50 000
fr. à titre de commission de courtage.

    Kappeler a écrit le 13 novembre 1972 à Seilaz & Fils que seule
était déterminante la reconnaissance de dette signée le 6 mars 1968; il
considérait que "le remboursement annule la validité de cet arrangement et
qu'il ne peut plus être invoqué un autre contrat qui n'existe pas". Il
a invité la société gérante à prélever l'indemnité contractuelle de
4000 fr. pour résiliation du contrat de gérance sur les loyers qu'elle
détenait. Aucun accord n'est en revanche intervenu pour le paiement d'une
commission de courtage.

    B.- La Gérance Seilaz & Cie SA a assigné les sociétés S.I. Bel Aurore
"C" SA et S.I. Bel Aurore "D" SA en paiement, à titre solidaire, de 54
135 fr. 05, somme portée en cours de procédure à 66705 fr. 90, à savoir
78 000 fr. de commission de courtage (3% sur 2 600 000 fr.) moins les
loyers encaissés, avec intérêt légal dès le 1er décembre 1972.

    Les défenderesses ont conclu à libération des conclusions de la
demande et, reconventionnellement, au paiement par la demanderesse de
deux sommes de 4682 fr. 90 et de 3389 fr. 05, avec intérêt.

    Par jugement du 26 avril 1974, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté les conclusions de la demanderesse et admis les
conclusions reconventionnelles des défenderesses, la demanderesse étant
débitrice des défenderesses de 8071 fr. 95 avec intérêt à 5% dès le 1er
décembre 1972, à charge pour celles-ci de répartir de manière interne
ce montant.

    C.- La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral en reprenant
ses conclusions de première instance.

    Le Tribunal fédéral admet le recours et réforme le jugement attaqué
en ce sens que les défenderesses sont condamnées solidairement à payer
à la demanderesse 53 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er décembre 1972.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Selon les défenderesses, la clause de courtage exclusif, de nature
exceptionnelle, ne serait valable que si elle était parfaitement claire
et non équivoque. Elle devrait en tout cas prévoir une limitation dans le
temps et définir de façon précise le droit du courtier à une commission
et l'importance de celle-ci. Ces indications faisant totalement défaut
en l'espèce, la clause d'exclusivité serait nulle.

    a) Dans l'arrêt RO 72 II 422, à propos du droit au salaire de
plusieurs courtiers commis indépendamment l'un de l'autre, le Tribunal
fédéral, après avoir rappelé qu'il s'agissait là d'un phénomène fréquent
dans le marché immobilier, admet implicitement la licéité d'une clause
d'exclusivité lorsqu'il considère ce qui suit: "Will sich der Mäkler den
ganzen Erfolg allein sichern, so kann er dies dadurch erreichen, dass
er die Aufnahme einer Ausschlussklausel in den Vertrag verlangt." Il ne
met pas davantage en doute la validité d'une telle clause dans l'arrêt
Salzmann c. Gerber, du 14 décembre 1971 (RO 97 II 357). Examinant la
portée d'un mandat exclusif de vendre un immeuble, conclu pour une durée
de six mois et renouvelable, le Tribunal fédéral admet qu'un tel contrat
oblige seulement le mandant à ne pas conclure avec des tiers des contrats
de courtage concernant le même immeuble.

    b) La jurisprudence cantonale admet également la validité de la clause
d'exclusivité d'un contrat de courtage interdisant au mandant non seulement
de recourir à un autre courtier, mais aussi de procéder lui-même à la vente
(SJZ 36/1939-1940, p. 318 No 224). Cet arrêt exige toutefois que l'accord
des parties ne laisse aucun doute sur les droits du courtier. D'autres
arrêts reconnaissent la licéité d'une clause d'exclusivité au profit
du courtier, si elle est limitée dans le temps (SJ 70/1948, p. 598 ss.;
75/1953, p. 280 ss.; cf. aussi SJ 74/1952, p. 538 s.).

    c) OSER/SCHÖNENBERGER admettent implicitement la validité de la clause
d'exclusivité, sauf dans la mesure où elle impliquerait une renonciation
du mandant à conclure luimême l'affaire; ils précisent que cette clause
ne doit pas être confondue avec l'accord, licite également, garantissant
au courtier tout ou partie de sa provision même si l'affaire se traite
par l'intermédiaire d'un tiers ("Provisionsgarantie"; n. 35 ad art. 412,
n. 18-19 ad art. 413 CO). BECKER souligne que les dispositions légales
subordonnant le salaire du courtier à l'existence d'un lien de causalité
entre son activité et la conclusion du contrat sont de droit dispositif
et que les parties peuvent en principe y déroger (n. 23 ad art. 412;
n. 12 ad art. 413 CO). REICHEL (Die Mäklerprovision, 1913) exprime, pour
l'essentiel, la même idée (p. 205 ss., 222 ss.). La validité de la clause
d'exclusivité est clairement affirmée également par A. GUGGENBÜHL (Die
Liegenschaftenmäklerei, thèse Zurich 1951, p. 294 ss., 319), TURRETTINI
(Le contrat de courtage et le salaire du courtier, thèse Genève 1952,
p. 20 et 151 ss.) et

PFENNINGER (Mäklervertrag und Provisionsgarantie, SJZ 46/1950, p. 338).

    GAUTSCHI considère en revanche que les conditions légales du salaire du
courtier, selon les art. 412 et 413 CO, ne peuvent pas être modifiées par
un accord des parties; ainsi, les conventions qui supprimeraient l'exigence
du lien de causalité entre l'activité du courtier et la conclusion de
l'affaire et écarteraient le caractère aléatoire qui est fondamental dans
le contrat de courtage, ou celles qui - comme la clause d'exclusivité -
restreindraient la possibilité de révoquer le mandat donné au courtier,
ne seraient pas ou du moins pas entièrement valables (n. 3 a, b, e,
n. 6 d et e ad art. 412).

    d) L'argumentation de GAUTSCHI ne convainc pas. Il n'y a aucune raison
de considérer que les dispositions légales en question, en particulier
l'art. 413 al. 1 CO qui subordonne le salaire du courtier au succès
de son intervention, soient de droit impératif. Il est au contraire
normal que le courtier cherche, par un accord avec son mandant, à se
protéger contre certaines conséquences très dures du caractère aléatoire
de ce type de contrat. La clause d'exclusivité, par laquelle le mandant
s'interdit de recourir aux services d'un autre intermédiaire, est en soi
parfaitement valable. Peu importe qu'elle puisse impliquer, le cas échéant,
une renonciation à l'exigence du lien de causalité - le courtier ayant
droit à son salaire bien que son activité d'indicateur ou de négociateur
soit sans rapport avec la conclusion de l'affaire par le mandant - ou
même qu'elle ait le sens d'une garantie de provision au sens étroit du
terme. La validité d'une telle clause suppose seulement un accord de
volonté des parties, conformément aux principes généraux du droit des
obligations. Il n'est pas nécessaire que cet accord soit particulièrement
clair et sans équivoque, ni que l'exclusivité ne soit concédée que pour un
laps de temps limité; à défaut d'une telle limite, le contrat de courtage
(exclusif ou non) peut être révoqué en tout temps selon l'art. 404 CO. En
effet, contrairement à l'opinion de GAUTSCHI, la clause d'exclusivité ne
restreint nullement, comme telle, la faculté de révoquer le contrat fondé
sur l'art. 404 CO. Seule une convention spécifique excluant la révocation
du mandat donné au courtier pourrait être dépourvue de validité, le contrat
de courtage exclusif conservant au surplus tous ses effets juridiques.

    La validité de la clause d'exclusivité pourrait être mise en doute
si elle signifiait que le courtier aurait droit à son salaire même en
n'exerçant aucune activité quelconque; on pourrait voir là une promesse
de donner subordonnée à la forme écrite (art. 243 CO) et à la commune
volonté des parties de faire et d'accepter une donation. La question ne
se pose toutefois pas en l'espèce: il est constant que la demanderesse,
qui devait chercher un amateur pour les deux immeubles des défenderesses,
a déployé une activité dans ce sens.

Erwägung 4

    4.- Quant aux conséquences de la violation de la clause d'exclusivité
dans le contrat de courtage, deux solutions entrent en considération. On
peut considérer cette violation comme la contravention à une obligation
de ne pas faire (art. 98 al. 2 CO), le courtier ayant droit à des
dommagesintérêts s'il fait la preuve de son préjudice; c'est la thèse
adoptée par le Tribunal cantonal dans le jugement déféré. On peut aussi
admettre que le mandant doit la commission convenue, s'il conclut l'affaire
par l'intermédiaire d'un autre courtier. Le choix entre l'une ou l'autre
de ces deux solutions dépend essentiellement du contenu du contrat.

    En l'espèce, il ressort clairement de l'engagement du 24 novembre 1967
que le contrat de courtage exclusif a été conclu aux conditions usuelles
mentionnées sur la formule de la Société vaudoise des régisseurs. La
Cour civile ne dit pas si toutes les clauses du contrat type annexé à
l'engagement, ainsi que celles des conditions générales et des usages et
tarifs professionnels imprimés au verso de ce contrat type, s'appliquent
aux rapports des parties. Mais on doit admettre que tel est le cas en
principe, sinon l'autorité cantonale n'aurait pas pu considérer, faute
d'accord sur les points essentiels, qu'un contrat de courtage avait été
conclu. Elle se réfère d'ailleurs expressément, pour la durée du mandat
et la rémunération en cas d'exclusivité, au contenu du contrat type et
des usages et tarifs professionnels.

    Aux termes de l'art. 4 desdits usages, en cas d'exclusivité conférée
au courtier, la commission lui sera due par le mandant, même si c'est
ce dernier ou un tiers qui a trouvé l'acheteur. Le Tribunal cantonal
considère que ce texte figurant au verso du contrat type ne satisfait pas
à l'exigence d'"une forme écrite ne prêtant pas à discussion", forme qui
s'imposerait en l'espèce parce que la clause d'exclusivité "confinerait à
la promesse de donation pure et simple" dans la mesure où elle impliquerait
une renonciation au lien de causalité entre l'activité du courtier et
l'existence du contrat. Ce point de vue est erroné. La renonciation au
lien de causalité, qu'elle résulte d'une clause d'exclusivité ou d'une
autre disposition, ne constitue en règle générale pas une promesse de
donation (cf. OSER/SCHÖNENBERGER, n. 18 ad art. 413 CO; BECKER, n. 12
ad art. 413 CO; GUGGENBÜHL, op.cit., p. 188; SJZ 35/1938-1939, p. 77). Il
convient seulement de réserver l'hypothèse d'une promesse de rémunération
pour le cas où le courtier ne déploierait aucune activité, hypothèse
envisagée par TURRETTINI (op. cit., p. 154) mais qui n'est pas réalisée
en l'espèce. Dans l'arrêt précité Salzmann c. Gerber, le Tribunal fédéral,
après avoir déclaré qu'on pouvait renoncer conventionnellement à l'exigence
du lien de causalité, a recherché si le contrat consacrait en l'espèce
une telle renonciation, mais sans qu'il soit question de l'assimiler à
une promesse de donner (RO 97 II 357). La clause d'exclusivité peut ainsi
être convenue par actes concluants, même si elle emporte renonciation à
l'exigence du rapport de causalité.

    En l'espèce, l'art. 4 des usages et tarifs professionnels,
applicable aux rapports des parties, prévoit que le mandant doit la
commission au courtier même si c'est un tiers qui a trouvé l'acheteur. Les
immeubles visés par le contrat de courtage exclusif ayant été vendus, les
défenderesses sont donc en principe débitrices de la commission convenue,
sans que la demanderesse doive établir l'existence d'un préjudice égal
au montant de cette commission et sans qu'il y ait lieu de rechercher si
le Tribunal cantonal a refusé à tort d'appliquer l'art. 156 CO.

    Cette solution correspond d'ailleurs à l'équité. Les défenderesses ont
donné le mandat de courtage exclusif à la demanderesse en contrepartie
d'un prêt de 50 000 fr. que celle-ci leur accordait. La demanderesse
ne pouvait exiger le remboursement de ce prêt que lors de la vente
de l'un des immeubles ou du capital-actions de l'une des sociétés
défenderesses. Ces dernières agissaient par l'intermédiaire de leur
administrateur Otto Kappeler, qui était parfaitement au courant des
affaires de ce genre. Dans de telles conditions, il n'apparaît nullement
injuste qu'elles doivent payer le salaire de la demanderesse en plus de
celui qu'elles ont versé au second courtier mandaté en violation flagrante
de la clause d'exclusivité. Les défenderesses savaient fort bien qu'aussi
longtemps qu'elles étaient liées par cette clause, elles s'exposaient
à payer deux fois la rémunération d'un courtier si elles chargeaient un
tiers de la mission confiée à la demanderesse.