Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 II 319



100 II 319

47. Arrêt de la IIe Cour civile du 19 décembre 1974 dans la cause Banque
Populaire Suisse contre Masse en faillite de la succession répudiée de
feu René Morard Regeste

    1.  Zulässigkeit der Errichtung einer Hypothekarobligation
auf den Inhaber (E. 1, Bestätigung der Rechtsprechung). Wirkungen
hinsichtlich der Parteien (E. 4) und Dritter (E. 5). Die Errichtung einer
Hypothekarobligation bewirkt keine Novation (E. 5).

    2.  Der Bundesbeschluss über die Bewilligungspflicht für den Erwerb von
Grundstücken durch Personen im Ausland vom 23. März 1961 (Fassung vom 30.
September 1965) lässt fiduziarischen Erwerb nicht zu (E. 2).

Sachverhalt

    A.- René Morard, entrepreneur à Sion, et Michel Rose, domicilié en
Belgique, se sont associés dans le dessein de réaliser des opérations
immobilières, en particulier dans la région d'Anzère (Valais). Cherchant
des financements étrangers, ils sont entrés en relations avec les époux
Kukiela, domiciliés en Belgique. Par convention du 28 mai 1967 passée
avec Morard, ceux-ci se sont déclarés disposés à financer des opérations
immobilières à Anzère, moyennant participations aux bénéfices à déterminer
ultérieurement et contre garanties hypothécaires à constituer sur les
immeubles achetés.

    Cet acte a été suivi d'une convention, passée le 29 juin 1967 entre MM.
Morard/Rose et les époux Kukiela, selon laquelle ces derniers chargeaient
Morard d'acheter pour eux "à titre fiduciaire" 1500 m2 environ de terrain,
à détacher de la parcelle no 195 d'Anzère, au prix de 45 fr. le m2. Ce
bien-fonds devait être inscrit au registre foncier au nom de Morard, qui
s'engageait à constituer sur la parcelle une obligation hypothécaire au
porteur destinée à être remise à titre de garanties aux époux Kukiela. En
cas de réalisation, le bénéfice devait être partagé par moitiés.

    La convention prévoyait aussi l'achat par les époux Kukiela, en leur
nom, d'un terrain de 900 m2 et la construction d'un chalet.

    Les époux Kukiela s'engageaient à verser au compte du notaire Mariéthod
à Sion, par l'intermédiaire de la Banque Populaire Suisse à Sion, une
somme de 400 000 fr. à utiliser comme suit:

    - 40 500 fr., paiement du terrain de 900 m2,

    - 67 500 fr., paiement du terrain de 1500 m2,

    - 42 000 fr., acompte sur la construction du chalet,

    - 250 000 fr., pour achat d'autres terrains à Anzère.

    La convention stipulait que ces terrains "seront mis au nom de
Morard qui agira à titre fiduciaire et possédera pour le compte des
époux Kukiela". Le bénéfice de la réalisation de ces terrains devait
être partagé et des obligations hypothécaires au porteur constituées en
garantie et remises aux époux Kukiela.

    En application de cette convention, Morard a procédé à divers achats
et ventes de terrains.

    Le 24 juin 1968, il a passé un acte avec les époux Kukiela, dans
lequel les parties déclaraient que les parcelles 348 (de 2051 m2), 196
(de 946 m2) et, pour 177/281, les parcelles 82, 85 et 121, inscrites au
cadastre au nom de Morard, étaient propriété exclusive des époux Kukiela,
Morard "possédant" ces immeubles à titre fiduciaire. Les cocontractants
prévoyaient en outre de constituer en garantie, à concurrence des fonds
investis, des obligations hypothécaires au porteur, qui ne devaient pas
pouvoir être mises en circulation. Le 20 juillet 1968, Morard a certifié
avoir encore acquis la parcelle 356 pour le compte des époux Kukiela.

    Le 24 septembre 1968, Morard a constitué deux obligations hypothécaires
au porteur devant le notaire Mariéthod:

    - l'une, de 250 000 fr., grève la parcelle 196;

    - la seconde, de 177 000 fr., grève les parcelles 82, 85 et 121.

    Inscrites au registre foncier le 7 octobre 1968, ces obligations sont
demeurées en main du notaire Mariéthod, qui les conservait pour le compte
des époux Kukiela.

    B.- En juin 1969, Morard et Rose d'une part, les époux Kukiela d'autre
part, ont envisagé une nouvelle opération: l'achat de la parcelle 1708
à Anzère.

    Les époux Kukiela n'ont fait aucune mise de fonds; mais selon
déclaration du 26 juin 1969, ils ont autorisé le notaire Mariéthod à
remettre les deux obligations hypothécaires au porteur, de 250 000 fr. et
177000 fr., à Morard et Rose, pour leur permettre d'obtenir, de la Banque
Populaire Suisse à Sion, un crédit garanti par le nantissement de ces
deux titres.

    Le même jour, Morard et Rose ont reconnu que le crédit bancaire
était destiné à l'achat, pour 200 000 fr., de la parcelle 1708, dont ils
devaient être propriétaires à titre fiduciaire pour le compte des époux
Kukiela. Ils se sont engagés à faire établir une troisième obligation
hypothécaire au porteur, à déposer chez le notaire Mariéthod.

    La banque a accordé à Morard un crédit de 250 000 fr.

    Le 4 août 1969, celui-ci a remis les obligations hypothécaires à la
banque et a signé, le même jour, deux actes de nantissement portant la
clause usuelle: "ces gages garantissent à la banque toutes ses créances,
actuelles ou futures, contre le débiteur".

    En exécution de la convention du 26 juin, Morard a constitué,
le 9 octobre 1969, devant le notaire Praplan à Sion, une obligation
hypothécaire de 210 000 fr., dans laquelle il est mentionné comme premier
porteur. Mais contrairement à ce qui avait été convenu, il a conservé ce
titre par-devers lui.

    Au début de 1970, Morard a sollicité la Banque Populaire Suisse de
lui accorder un nouveau prêt de 100 000 fr. Celui-ci lui a été octroyé
moyennant nantissement de l'obligation hypothécaire de 210 000 fr.,
constituée sur la parcelle 1708.

    La Banque Populaire Suisse a présenté les obligations au registre
foncier, qui a annoté sur les titres, le 13 août 1969 pour les deux
premiers, le 24 avril 1970 pour le troisième, sa qualité de "porteur à
ce jour".

    C.- Morard est décédé au cours de l'été 1970. Sa succession a été
déclarée en faillite.

    La Banque Populaire Suisse à Sion est intervenue dans la faillite,
produisant quatre créances représentant au total 404281 fr., garanties
par les trois obligations hypothécaires au porteur remises en nantissement.

    L'administration de la masse a admis cette production en 5e classe,
contestant la validité du gage et soutenant en substance que les
hypothèques constituées par Morard étaient nulles en tant qu'accessoires
de créances nulles en vertu des dispositions de l'arrêté fédéral du 23
mars 1961 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées
à l'étranger.

    La Banque Populaire Suisse a ouvert action le 18 mai 1972, en
contestation de l'état de collocation, devant le juge du for de la
faillite. Après un échange d'écritures, les parties sont convenues de
porter directement leur cause devant le Tribunal fédéral.

    D.- Dans sa demande, la Banque Populaire Suisse a conclu avec suite
de frais et dépens à ce qu'il soit constaté que ses créances de 283 937
fr., 12 376 fr., 104 861 fr. et 3107 fr., produites le 15 janvier 1971,
sont au bénéfice des gages constitués par les deux actes de nantissement
d'obligations hypothécaires au porteur du 4 août 1969 et du 6 février
1970. Elle a demandé que, la validité de ces actes de nantissement et
des obligations hypothécaires nanties étant constatée, les créances
produites soient colloquées à l'état des charges sous la rubrique des
créances garanties par gage, au rang qui convenait.

    Dans sa réponse du 4 décembre 1972, l'administration de la masse a
conclu au rejet des conclusions prises contre elle, avec suite de frais.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Sanctionnant une pratique répandue, une jurisprudence constante
admet que le propriétaire d'un immeuble peut incorporer dans un titre au
porteur une créance garantie par une hypothèque. Si le titre est rédigé
de telle sorte qu'il réponde aux exigences de l'art. 965 CO, il revêt
la qualité de papier-valeur (RO 49 II 21; 77 II 364; 84 II 256, 353;
93 II 85; JÄGGI, Komm., n. 285 ad art. 965; A. BONNARD, L'obligation
hypothécaire au porteur, thèse Lausanne 1955, p. 31 ss.).

    Ainsi, sous la seule réserve des moyens soulevés par la masse
défenderesse, le porteur des titres créés par Morard a un droit de gage
sur les créances garanties par hypothèque et incorporées dans ces titres.

Erwägung 2

    2.- La masse défenderesse invoque la nullité du contrat de fiducie
passé entre Morard et les époux Kukiela, pour en déduire qu'il n'a pu
faire naître une créance quelconque et qu'ainsi, accessoires de créances
nulles, des hypothèques n'ont pu être valablement constituées.

    a) Selon l'arrêté fédéral du 23 mars 1961 sur l'acquisition d'immeubles
par des personnes domiciliées à l'étranger, dans sa teneur du 30 septembre
1965, applicable aux conventions litigieuses, l'acquisition d'immeubles
en Suisse par des personnes domiciliées à l'étranger est soumise à une
autorisation administrative. Aux termes de l'art. 12 de l'arrêté, les
acquisitions d'immeubles non autorisées sont nulles. Il en est de même des
actes juridiques destinés à éluder le régime de l'autorisation. Toutefois,
l'art. 66 CO, qui exclut la répétition de ce qui a été donné en vue
d'atteindre un but illicite, n'est pas applicable entre les parties.

    b) En application des accords passés avec les époux Kukiela,
Morard a acheté des terrains en son nom, mais à titre fiduciaire. Ses
engagements envers ses bailleurs de fonds étaient garantis par des titres
hypothécaires au porteur. L'adoption de ce système compliqué s'expliquait
manifestement par la nécessité de contourner l'obstacle que représentait
l'arrêté fédéral. Ne pouvant acquérir en leur nom, les époux Kukiela, qui
désiraient réaliser des opérations immobilières spéculatives, ont acheté
des terrains par l'entremise d'un homme de paille. La demanderesse ne le
conteste d'ailleurs pas, tout en faisant valoir que les prescriptions de
l'arrêté contiennent une énumération limitative des opérations prohibées
et ne mentionnent pas l'acquisition fiduciaire.

    c) L'arrêté de 1961 vise à combattre l'accaparement du sol par les
personnes domiciliées à l'étranger (FF 1964 II 1293; 1972 II 1946). Mais
bien qu'il n'ait pas un but de politique économique, on doit y soumettre
les opérations de spéculations dans lesquelles un étranger prend une
part. L'arrêté ne fait pas la distinction selon le but que se propose
l'acquéreur et une acquisition en vue de la revente tombe sous le coup
de ses dispositions.

    La novelle du 21 mars 1973 (FF 1973 I p. 956) a introduit, dans la
liste des opérations assimilées à une acquisition, les "droits résultant
notamment d'actes fiduciaires". Il ressort du Message du Conseil fédéral
(FF 1972 II p. 1251) que le législateur a entendu sanctionner les
opérations conclues par des hommes de paille exerçant apparemment des
droits pour leur compte, alors qu'en réalité ils agissent pour autrui,
le véritable intéressé ne se faisant pas connaître des tiers.

    On ne saurait cependant déduire a contrario que de telles opérations,
qui correspondent exactement au cas d'espèce, eussent été licites sous
l'empire du droit antérieur à la novelle de 1973. La novelle introduit
une précision, destinée à couper court à toute discussion, et non pas une
innovation. Le Message du Conseil fédéral, qui relève que ces opérations
rentrent "typiquement dans la catégorie de celles qui éludent la loi",
l'admet implicitement.

    Les contrats de fiducie passés entre les époux Kukiela et Morard,
ou Morard et Rose, sont ainsi nuls en vertu de l'art. 12 de l'arrêté.

Erwägung 3

    3.- L'hypothèque est un gage immobilier constitué en faveur d'une
créance personnelle. Dans la mesure où la créance est nulle, la garantie,
qui en est l'accessoire, est également dépourvue de tout effet juridique;
dans cette hypothèse, les époux Kukiela n'auraient pas pu produire leurs
créances dans la faillite et faire valoir leurs droits à l'hypothèque. Il
en serait de même, toujours dans ce cas, si les époux Kukiela avaient
cédé leur créance garantie par hypothèque à la demanderesse, en garantie
du prêt qu'elle accordait à Morard: la banque se verrait opposer, en
application de l'art. 169 CO, le moyen tiré de la nullité de la créance
et de l'hypothèque.

Erwägung 4

    4.- En l'espèce cependant, Morard n'a pas créé d'hypothèques.
Il a souscrit des obligations hypothécaires, aux termes desquelles "il
reconnaît devoir et vouloir payer au porteur la somme de ...". C'est un
engagement nouveau, distinct, ayant un autre objet que ceux qu'il avait
pris dans les contrats de fiducie. La dette reconnue par les obligations
hypothécaires au porteur ne se confond pas avec les engagements assumés
dans les contrats de fiducie.

    Néanmoins, en raison de la nullité du contrat de fiducie et du
caractère accessoire de la garantie hypothécaire, il est douteux que les
époux Kukiela eussent pu, faute de cause juridique valable, se prévaloir
du gage dans une poursuite en réalisation de gage ou en produisant dans la
faillite. En admettant même, d'ailleurs, que la nullité des engagements
de fiducie n'ait pas affecté, à l'égard des parties, la validité des
obligations assumées dans les titres hypothécaires, les époux Kukiela,
en autorisant le notaire Mariéthod à remettre les obligations de 177
000 fr. et 250 000 fr. à un tiers, ont cessé d'avoir un droit de gage,
si jamais ils en ont eu un; quant à l'obligation hypothécaire de 210 000
fr., créée le 9 octobre 1969, ils ne l'ont jamais eue en mains et n'ont
pas acquis de gage.

Erwägung 5

    5.- La situation est cependant différente, car ce ne sont pas les époux
Kukiela qui invoquent un droit de gage sur les obligations hypothécaires,
mais un tiers.

    Le droit de gage des époux Kukiela est éteint par renonciation,
ou n'a jamais existé. En revanche, un nouveau droit de gage a été
constitué en faveur de la demanderesse, en garantie d'une créance que la
masse défenderesse ne conteste pas en soi. Les obligations hypothécaires
litigieuses sont dans cette mesure les accessoires d'un contrat de prêt qui
n'est pas entaché de nullité. Le droit de gage dont le tiers acquéreur se
prévaut doit ainsi être reconnu si l'on admet la validité des obligations
hypothécaires prises en soi.

    Selon l'article 855 CC, la constitution d'une cédule hypothécaire ou
d'une lettre de rente éteint par novation la dette dont elle résulte. C'est
là une règle destinée à faciliter la circulation de ces titres, en leur
conférant une valeur interne propre, qui fait totale abstraction des
relations juridiques dont ils résultent, avec cet effet de leur conférer
une sécurité quasi absolue.

    La jurisprudence reconnaît à l'obligation hypothécaire au porteur
la qualité de papier-valeur (RO 77 II 364). Mais, en ce qui concerne la
créance, ce papier-valeur ne jouit pas de la foi publique du registre
foncier (TUOR, 8e éd., p. 622). Dans la pratique, en outre, l'obligation
hypothécaire au porteur ne circule en principe pas, alors que la cédule
hypothécaire et la lettre de rente sont destinées à circuler.

    Eu égard à ces différences, il n'y a pas lieu d'admettre que la
constitution de l'obligation hypothécaire opère novation. Elle laisse ainsi
subsister les engagements qu'elle doit garantir. Le titre constate une
dette abstraite, garantie par hypothèque, qui se juxtapose à la première
dette. Toutefois, le concours de ces deux obligations, distinctes l'une de
l'autre, n'implique pas par lui-même que la validité de la seconde soit
conditionnée par celle de la première. Elles peuvent n'avoir, comme en
l'espèce d'ailleurs, ni le même objet, ni le même montant. Elles ne sont
pas seulement distinctes, mais différentes. Le seul lien qui existe entre
elles est que l'obligation abstraite a été remise en gage pour garantir
la première. La nullité de celle-ci reste sans influence sur la validité
de l'obligation abstraite comme telle.

    Ainsi, rien ne s'oppose au droit de gage de la banque demanderesse
sur les obligations hypothécaires créées par Morard. Peu importe que la
banque ait connu, comme le soutient la masse défenderesse, les tractations
intervenues entre les époux Kukiela et Morard, et l'affectation antérieure
des titres, dès lors que la validité intrinsèque de ces titres est
constante.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Admet la demande.