Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IB 29



100 Ib 29

5. Arrêt de la Ire Cour civile du 5 février 1974 dans la cause Ecole
polytechnique par correspondance S. A. contre Cour administrative du
Tribunal cantonal vaudois Regeste

    Änderung einer Firma, die den Vorschriften nicht entspricht; Art.
944 OR, Art. 38, 60 und 61 HRegV.

    Den Anforderungen des Art. 944 Abs. 1 OR nicht genügende Firma
(Erw. 2-4). Einschreiten der Handelsregisterbehörde von Amtes wegen
(Erw. 1 und 5). Frist zur Änderung einer seit langem gebrauchten Firma
(Erw. 9).

Sachverhalt

    A.- La société Ecole Polytechnique par correspondance SA a été
inscrite au Registre du commerce de Vevey le 26 mai 1967. Elle succédait
à la raison individuelle "Institut Progress W. Greub". En juillet 1963,
l'Office fédéral du registre du commerce (ci-après: l'Office), répondant
à une demande de cet institut, l'informait que rien ne s'opposait, au
point de vue de l'exclusivité des raisons de commerce (art. 956 CO),
à l'utilisation de l'adjonction "Ecole polytechnique par correspondance".

    Le 29 janvier 1964, l'Université de Lausanne, agissant à la demande
de l'Ecole polytechnique de Lausanne, a déposé plainte contre l'Ecole
polytechnique par correspondance pour concurrence déloyale. Le Juge
d'instruction du canton de Vaud a rendu une ordonnance de non-lieu le 9
juillet 1964.

    A la suite d'une plainte d'élève, le Département de l'instruction
publique du canton de Genève a signalé le 16 février 1973 à l'Office que
la raison sociale de l'Ecole polytechnique par correspondance SA était de
nature à induire le public en erreur. Consulté, le Département fédéral
de l'intérieur, Division de la science et de la recherche, a également
admis l'existence d'un tel risque. L'Office a écrit le 3 avril 1973 au
Registre du commerce de Vevey que l'intéressée devait être invitée à
modifier sa raison sociale.

    B.- Le 4 avril 1973, le Préposé au registre du commerce de Vevey a
sommé la société Ecole polytechnique par correspondance SA de modifier
sa raison sociale jusqu'au 30 mai 1973.

    La société s'est opposée à cette sommation. Par mémoire du 30 mai 1973,
elle a fait valoir qu'il appartenait aux Ecoles polytechniques fédérales
d'ouvrir action devant le juge ordinaire si elles s'estimaient lésées,
que le terme "polytechnique" correspondait à l'éventail des branches
qu'elle enseigne et que le risque d'erreur était inexistant.

    Par décision du 4 juillet 1973, la Cour administrative du Tribunal
cantonal vaudois, admettant l'existence d'un risque de confusion, a rejeté
le recours et sommé la société de modifier sa raison sociale jusqu'au 1er
septembre 1973 en supprimant le terme "polytechnique", sous peine d'une
modification d'office et d'une amende selon l'art. 943 CO.

    C.- L'Ecole polytechnique par correspondance SA a formé un recours
de droit administratif au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement
à l'annulation de la décision du 4 juillet 1973, subsidiairement à la
prolongation du délai imparti pour la modification de sa raison sociale
à un an dès le jour de l'arrêt du Tribunal fédéral.

    Par ordonnance du 15 août 1973, le Président de la cour de céans a
accordé l'effet suspensif au recours.

    Le juge chargé de l'instruction a procédé à un complément d'information
(art. 113 et 95 OJ), sous forme d'un questionnaire adressé à l'Ecole
polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La formation de la raison de commerce est libre dans le cadre
fixé par la loi, pourvu qu'elle soit conforme à la vérité, ne puisse
induire en erreur et ne lèse aucun intérêt (art. 944 al. 1 CO et 38 al. 1
ORC). La raison de commerce, qui est le nom d'une entreprise commerciale
(HIS, n.6 ad art. 944), vise à distinguer son titulaire. Elle ne doit pas
contenir de désignations servant uniquement de réclame (art. 44 al. 1 ORC;
RO 95 I 279 consid. 3 et citations).

    Le principe de la véracité de la raison de commerce, qui s'applique
notamment aux indications sur la nature de l'entreprise, est une
exigence fondamentale de la loi. Les préposés au registre du commerce
doivent intervenir d'office pour sauvegarder ce principe (HIS, n.62-67 ad
art. 944; RO 56 I 361, 62 I 119, 77 I 163), même s'il n'apparaît qu'après
coup, soit une fois l'inscription opérée, qu'il a été violé (RO 65 I 274
s. consid. 2 et 3).

Erwägung 2

    2.- L'enseignement de la recourante porte sur diverses matières
relevant des sciences exactes, telles que calcul professionnel, chimie
générale, dessin technique, moteur diesel, électricité automobile,
mécanique automobile, automatisation, mécanique d'atelier, technique
digitale et analogique, électronique industrielle, radio-technique,
électro-technique, téléphone. Il répond à première vue au sens communément
donné au qualificatif "polytechnique", à savoir "qui embrasse plusieurs
arts ou sciences" (cf. les dictionnaires Littré, Robert, Quillet, Académie
française, sous ce mot). Le Tribunal cantonal en déduit avec la recourante
que la raison sociale de celle-ci "semble conforme à la vérité".

    "Polytechnique" est formé du préfixe grec "poly" (nombreux) et du terme
"technique" dont le préfixe n'altère pas le sens. Ce terme se rapporte,
aussi bien dans sa forme substantive qu'adjective, aux procédés propres
à un art ou à une science (cf. les mêmes dictionnaires sous ce vocable).
Etymologiquement, "technique" dérive du grec "technè", dont le sens est
fabriquer, faire, avec le sens d'une activité efficace. En français,
le terme "technique" signifie (ou se rapporte à, s'il est adjectif) la
mise en oeuvre d'un savoir, c'est-à-dire le pouvoir de produire à partir
de moyens existants, et la disposition d'un ensemble d'instruments déjà
produits, dans lequel ce pouvoir s'incarne (cf. Encyclopedia Universalis,
vol. 15, Paris 1973, sous "Technique", p. 803 s.).

    Au regard de cette définition, une école "technique" ou "polytechnique"
doit dispenser un enseignement essentiellement destiné à l'acquisition
par ses étudiants des techniques leur permettant ensuite d'appliquer
concrètement leur savoir dans l'exercice de leur future profession. Les
deux écoles polytechniques fédérales répondent à cette exigence: aux termes
de l'art. 2 de l'arrêté fédéral sur les écoles polytechniques fédérales
du 24juin 1970 (ROLF 1970 p. 1085), elles "favorisent l'avancement de
la science par l'enseignement, la recherche et l'étude, et assurent
la formation professionnelle des ingénieurs, des architectes, des
mathématiciens et des spécialistes des sciences naturelles".

    L'acquisition de ces sciences techniques en comporte
aussi nécessairement l'expérimentation, dans des instituts et
laboratoires. Celle-ci caractérise précisément ce genre d'études et elle
est propre à toute école technique. Or un enseignement par correspondance
ne répond pas à cette condition, ni partant à la définition exacte du
terme "polytechnique". La raison sociale litigieuse renferme ainsi une
contradiction et elle n'est pas entièrement conforme à la vérité.

Erwägung 3

    3.- Le Tribunal cantonal estime que le risque d'induire en erreur le
public est réalisé en l'espèce, d'autant plus que la recourante abrège
souvent sa raison sociale en "Ecole polytechnique par correspondance". En
relevant que le terme "polytechnique" a pris en Suisse, comme en
France, une signification particulière et qu'il désigne ce qui concerne
l'enseignement supérieur des hautes écoles techniques, il sous-entend
que l'utilisation de ce qualificatif par la recourante est déceptive.

    La recourante conteste l'existence d'un risque de confusion. Elle
fait valoir que les différences entre elle-même et les hautes écoles
fédérales sont "si profondes et si apparentes que le public ne peut pas
être induit en erreur". En dix ans, le risque de confusion ne se serait
jamais réalisé. Il a d'ailleurs été nié par le juge d'instruction en 1964.

    Certes, un public éclairé ne risque pas de confondre la recourante
avec les écoles polytechniques fédérales. Mais il n'est pas exclu que
certaines personnes, non averties ou mal informées, puissent penser que
l'Ecole polytechnique par correspondance dépend d'une façon ou d'une autre
de l'EPFL, et qu'elles s'inscrivent à ses cours pour ce motif. Or il suffit
que la raison de commerce puisse induire en erreur; il n'est pas nécessaire
que l'erreur se soit réalisée, quand bien même l'absence de confusion
pendant une longue période peut être, selon les circonstances, l'indice de
l'inexistence de ce risque. D'ailleurs, les méprises n'arrivent souvent pas
à la connaissance de la corporation publique intéressée, puisqu'elles se
produisent dans les relations entre le public et l'entreprise commerciale,
qui n'a aucun intérêt à les signaler (RO 77 I 161 consid. 2).

    L'opinion exprimée en 1964 par le juge d'instruction saisi d'une
plainte pénale pour concurrence déloyale n'est pas décisive. Le Département
fédéral de l'intérieur, comme en son temps l'Université de Lausanne,
considère la raison sociale litigieuse comme étant de nature à induire
en erreur le public. C'est aussi l'opinion de l'EPFL exprimée en instance
fédérale.

    Il y a lieu d'admettre avec les premiers juges que la raison sociale
litigieuse peut induire en erreur, même si ce risque est limité.

Erwägung 4

    4.- Le Tribunal cantonal considère que la raison sociale litigieuse
n'est pas contraire à une règle de droit public et ne lèse dès lors aucun
intérêt public. Il se réfère à l'arrêt RO 65 I 269.

    Le Tribunal fédéral a admis dans cet arrêt qu'une raison de commerce
était contraire à l'intérêt public parce qu'elle contrevenait à une
prescription cantonale de police sanitaire (RO 65 I 277). Il n'a en
revanche pas dit que la lésion d'intérêts publics impliquait nécessairement
la violation d'une règle de droit public. Dans l'arrêt du 6 septembre
1951 Fraumünster (RO 77 I 158 ss.), le Tribunal fédéral a reconnu
l'existence d'un danger d'induire le public en erreur, en l'absence de
toute prescription de droit public,. s'agissant de l'emploi du nom d'une
paroisse protestante dans la raison de commerce d'un éditeur et d'une
librairie de tendances catholiques. Il a considéré que ce danger impliquait
la violation d'intérêts publics, à savoir l'intérêt de la paroisse de
Fraumünster d'être protégée contre un rapprochement intellectuel avec des
entreprises de convictions opposées aux siennes. Se référant à l'arrêt non
publié du 13 juin 1939 Tannenblatt c. Conseil d'Etat du canton de Berne,
relatif à la désignation "Universitätsbuchhandlung", le Tribunal fédéral
relève que le choix d'une raison de commerce ne doit pas porter atteinte
aux intérêts idéaux d'une corporation publique.

    Les écoles polytechniques fédérales bénéficient de cette protection
conférée aux corporations publiques. Indépendamment de l'existence
d'un risque de confusion, l'intérêt public au sens de l'art. 944 CO
commande que des institutions privées s'abstiennent d'utiliser dans
leurs raisons des désignations de nature à porter atteinte au renom de
ces établissements d'enseignement officiels. Or la recourante déclare
elle-même que son enseignement s'adresse à des élèves de formation
le plus souvent primaire. Si tel est le cas, la dénomination d'école
"polytechnique" appliquée à un tel enseignement risque non seulement
de faire participer indûment la recourante à la réputation des hautes
écoles fédérales, mais aussi de dénaturer l'idée que le public se fait
d'un enseignement polytechnique. Si au contraire l'enseignement de la
recourante se rapprochait par son organisation, ses méthodes et son niveau
de celui des hautes écoles fédérales, le risque de confusion serait alors
caractérisé, du fait de la similitude des noms. Dans l'une et l'autre
hypothèse, l'intérêt public s'oppose à la désignation "polytechnique"
dans la raison sociale litigieuse.

Erwägung 5

    5.- La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir agi d'office,
en l'absence d'une plainte des écoles polytechniques fédérales, qui seules
pouvaient s'estimer lésées.

    Selon une jurisprudence constante, l'autorité admmistrative intervient
d'office, même à l'encontre d'une raison sociale déjà inscrite, si elle
ne répond pas ou plus aux exigences de l'art. 944 al. 1 CO (RO 56 I 361,
65 I 273 s., 82 I 44). L'ensemble de la collectivité est intéressé à
l'élimination des raisons de commerce trompeuses ou contraires à l'intérêt
public, et non pas seulement la corporation publique directement lésée
(RO 77 I 163).

Erwägung 6

    6.- La recourante soutient qu'aux termes de l'art. 60 ORC, le
préposé ne peut intervenir que si "l'inscription ne correspond plus aux
faits". Cela impliquerait l'existence de "circonstances nouvelles",
"propres au titulaire de la raison de commerce et non des événements
extérieurs à lui".

    Cette interprétation erronée perd de vue qu'en l'espèce l'autorité
administrative n'a appliqué la procédure de l'art. 60 ORC qu'en vertu
du renvoi exprès des art. 38 et 61 ORC. Or l'art. 38 al. 2 prescrit
impérativement la modification ou la radiation, selon la procédure
prévue à l'art. 60, des inscriptions opérées au mépris des conditions
de l'art. 38 al. 1, qui sont celles de l'art. 944 al. 1 CO. L'art. 61
ORC, sous la note marginale "raisons non conformes aux prescriptions",
prévoit l'application de la procédure de l'art. 60 "lorsqu'une raison
n'est pas conforme ou ne répond plus aux prescriptions". C'est dire que
la radiation ou la modification d'office vise aussi bien les raisons
qui d'emblée n'auraient pas dû être inscrites que celles qui sont
devenues non conformes par la suite (cf. RO 65 I 273 ss. consid. 2 et
3). L'opinion selon laquelle les circonstances déterminantes ne pourraient
résider que dans une modification touchant au titulaire de la raison
doit aussi être écartée. L'intérêt public ne saurait s'accomoder d'une
telle restriction. Dans un arrêt du 12 décembre 1939, une inscription
régulière a été reconnue ultérieurement illégale ensuite de l'entrée en
vigueur d'une nouvelle ordonnance interdisant l'usage de la désignation
"clinique dentaire" à des personnes non titulaires du diplôme fédéral de
médecin-dentiste (RO 65 I 269 ss.).

Erwägung 7

    7.- La recourante se prévaut du précédent de l'"Université populaire
de Lausanne" que personne, dit-elle, ne songe à confondre avec l'Université
de Lausanne.

    Mais l'Université populaire est une association privée à but idéal,
qui n'est pas inscrite au registre du commerce et n'est partant pas soumise
à la surveillance des autorités préposées à la tenue de ce registre. Sa
situation ne saurait être comparée à celle de la recourante, société
anonyme qui use d'une désignation propre à des établissements publics
d'enseignement supérieur à des fins lucratives privées.

Erwägung 8

    8.- La recourante considère que le non-lieu rendu par le juge
d'instruction cantonal en 1964, l'inaction de l'Université et de l'autorité
depuis lors pouvaient lui faire penser de bonne foi que sa raison était
inattaquable. L'intervention de l'autorité dix ans plus tard serait
manifestement abusive.

    a) La bonne foi de la recourante n'est pas en cause. Mais il n'est pas
nécessaire que l'irrégularité de la raison de commerce soit consciente;
il suffit qu'elle existe objectivement pour que l'intervention d'office
de l'autorité administrative compétente soit justifiée (HIS, n. 66 ad art.
944).

    b) La jouissance paisible d'une raison sociale pendant plusieurs
années ne saurait garantir le titulaire contre l'intervention de l'autorité
administrative fondée sur les art. 944 CO, 38 et 61 ORC. L'intérêt public à
l'élimination d'une raison qui ne répond pas aux exigences légales doit en
effet l'emporter sur l'intérêt privé du titulaire (RO 77 I 163; cf. aussi
RO 82 I 48 consid. 4). Quant au comportement de la corporation publique
touchée, il n'est pas décisif(RO 77 I 163). D'ailleurs, ni l'Université
de Lausanne, ni l'EPFL n'ontjamais consenti, expressément ou tacitement, à
l'emploi de la dénomination "école polytechnique" par la recourante. Enfin,
l'intervention de l'autorité administrative peut d'autant moins être
considérée comme abusive que la reprise en 1970 de l'école polytechnique
lausannoise par la Confédération a modifié la situation, en renforçant
considérablement le caractère d'établissement d'intérêt national de cette
école (cf. FF 1968 I 728 ss., en particulier 738).

Erwägung 9

    9.- A l'appui de ses conclusions principales et subsidiaires, la
recourante fait valoir le dommage considérable auquel l'exposerait la
modification de sa raison sociale. Cette modification constituerait une
atteinte grave à sa personne et entraînerait pour elle une perte matérielle
importante. Le délai de deux mois fixé serait absolument insuffisant au
regard de la masse de matériel à réimprimer.

    Les inconvénients que représente pour la recourante une modification
de sa raison de commerce sont indéniables. Ils ne sont toutefois pas de
nature à contrebalancer l'intérêt public. Tout au plus se justifie-t-il,
comme dans l'arrêt RO 82 I 48 consid. 4, de renoncer à une exécution
immédiate de la mesure. Une prolongation appropriée du délai imparti
pour la modification prescrite est de nature à réduire sensiblement le
préjudice. Compte tenu de l'absence de faute de la recourante, du temps
qui s'est écoulé depuis l'inscription de sa raison et de la date de la
première sommation, soit le 4 avril 1973, l'octroi d'un délai à la fin
1974 paraît équitable.

    Faute par l'intéressée de modifier sa raison en supprimant le mot
"polytechnique", il appartiendra à la Cour administrative du Tribunal
cantonal vaudois de déterminer elle-même la nouvelle teneur de la raison
en vertu de l'art. 61 ORC.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet partiellement le recours.

    2. Modifie la décision attaquée en ce sens que le délai imparti à
la recourante pour changer sa raison sociale est prolongé jusqu'au 31
décembre 1974.

    Confirme ladite décision pour le surplus.