Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IA 454



100 Ia 454

64. Arrêt de la Chambre de droit public du 18 decembre 1974 dans la cause
Duboux contre Vaud, Juge informateur itinérant, Juge d'instruction cantonal
et Tribunal d'accusation. Regeste

    Post der Untersuchungsgefangenen

    1.  Es verstösst nicht gegen Art. 4 BV, die Post der
Untersuchungsgefangenen strenger zu überwachen als jene der Gefangenen
in Strafverbüssung (E. I d).

    2.  Eine Bestimmung, wonach alle Korrespondenzen des
Untersuchungsgefangenen ausser jenen mit seinem Verteidiger oder dem
Untersuchungsrichter der Zensur unterliegen, verletzt die persönliche
Freiheit nicht (E. I f).

    3.  Die Beschränkungen der persönlichen Freiheit aus dem besonderen
Gewaltverhältnis, das zwischen Staat und Gefangenem durch die Einsperrung
geschaffen wird, bedürfen keiner ausdrücklichen gesetzlichen Grundlage,
soweit sie über das vom Gewaltverhältnis Verlangte nicht hinausgehen und
durch objektive Gründe gerechtfertigt sind (E. III a).

    4.  Wenn auch eine inhaltliche Beschränkung des Briefverkehrs an
sich die Verfassung nicht verletzt, so gilt das nicht für das generelle
Verbot, sich an bestimmte Kategorien von Empfängern und namentlich an
die Massenmedien zu wenden (E. III b).

Sachverhalt

    A. - Objet d'une enquête pénale, Marcel Duboux est en détention
préventive. Alors qu'il était incarcéré dans les prisons de Morges, le
Juge informateur itinérant du canton de Vaud lui a écrit le 29 janvier
1974 "que seul l'art. 37 al. 2" du règlement des maisons d'arrêts, des
prisons d'arrondissement, de district et de cercle et des salles d'arrêts
de commune (ci-dessous: le règlement) lui était applicable en ce qui
concerne la censure du courrier. Le Tribunal d'accusation du canton de
Vaud a rejeté le 13 février 1974 la plainte interjetée par Duboux contre
cette "décision".

    Le 1er mars 1974, Duboux a formé un recours de droit public tant contre
la décision du Juge informateur itinérant qu'à l'encontre de l'arrêt du
Tribunal d'accusation vaudois.

    B.- Le 16 août 1974, le Juge d'instruction cantonal du canton de
Vaud, agissant en lieu et place du Juge informateur itinérant absent et
constatant que la correspondance de Duboux prenait une ampleur absolument
inhabituelle et injustifiée à ses yeux, a rendu une ordonnance en limitant
le volume et interdisant tout envoi "à l'intention de la presse, de la
radio ou d'autres moyens de communication de masse". Il a refusé le 20
août de modifier ces dispositions qu'il avait, disait-il, "dû prendre
pour endiguer le torrent" des correspondances de Duboux. Il a toutefois
transmis les réclamations de celui-ci au Tribunal cantonal d'accusation
"pour toutes suites utiles".

    Le 3 septembre 1974, Duboux a formé un recours de droit public
contre les décisions rendues les 16 et 20 août précédents par le Juge
d'instruction cantonal. Celui-ci propose d'écarter le recours comme
irrecevable.

    C.- Le 22 août 1974, le Tribunal cantonal d'accusation est entré
en matière sur les réclamations formulées par Duboux à l'encontre du
Juge d'instruction cantonal, en les considérant comme une plainte au
sens de l'art. 183 PP. Il a toutefois rejeté celle-ci, estimant que le
magistrat instructeur, en vertu du devoir qui lui est imposé de contrôler
la correspondance des détenus à titre préventif, peut limiter le volume
de celle-ci lorsque, comme en l'espèce, elle est excessive et l'amène de
manière durable et peu raisonnable à empiéter sur le temps qu'il consacre
habituellement á ses autres fonctions.

    Le 30 septembre 1974, Duboux a formé contre cette décision un nouveau
recours de droit public pour en demander l'annulation. Comme dans les
autres recours, il a demandé l'effet suspensif, qui ne lui a pas été
accordé, et le benéfice de l'assistance judiciaire.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    I. Sur le recours du 1er mars 1974 a) Sous réserve d'exceptions qui
ne jouent aucun rôle ici, le recours de droit public a un effet purement
cassatoire; le recourant ne saurait dès lors prendre des conclusions
tendant à ce que le Tribunal fédéral fixe lui-même la conduite du geôlier
en matière de transmission de la correspondance (RO 98 Ia 57 et cit.).

    b) Selon une jurisprudence bien établie, le Tribunal fédéral, statuant
sur un recours de droit public fondé sur l'art. 4 Cst., n'a en principe
à connaître que de la décision rendue par la dernière autorité cantonale,
lorsque celle-ci a connu avec pleine capacité d'appréciation de la décision
de première instance (RO 96 I 14). Le Tribunal cantonal d'accusation
ayant statué sur la plainte du recourant avec un libre pouvoir d'examen,
seul son arrêt pouvait faire l'objet d'un recours de droit public.

    c) Sur le fond, l'autorité cantonale justifie la décision du Juge
informateur en se référant à l'art. 76 du règlement selon lequel le geôlier
doit, s'agissant des personnes en détention préventive, se conformer aux
ordres spéciaux donnés pendant l'enquête par le Juge informateur. Elle
relève en outre que, disposition spéciale, l'art. 37 al. 2 du règlement
déroge à la règle générale posée à l'art. 36 qui ne concerne que les
détenus condamnés. Cette interprétation conforme au sens apparent
du texte réglementaire n'est en tout cas pas arbitraire. Tout au plus
pourrait-on hésiter devant la référence qui est faite, à l'art. 36 al. 2,
de l'art. 84 du règlement qui concerne les relations entre le prévenu et
son conseil durant l'enquête, soit à première vue pendant la détention
préventive. En fait, cependant, l'art. 84 a une portée toute générale. Il
est d'ailleurs courant que les détenus condamnés gardent des relations
avec leur défenseur, par l'intermédiaire duquel ils exercent leur droit
de recours, sur le fond, et contre les mesures d'exécution de la peine
qu'ils subissent.

    d) A s'en tenir à l'interprétation donnée par l'autorité cantonale
des art. 36 et 37 du règlement, il apparaît que, sur le plan de la
correspondance, le régime du détenu à titre préventif est plus sévère
que celui du détenu condamné. Cette situation ne constitue toutefois
pas une inégalité de traitement contraire à l'art. 4 Cst., car elle est
objectivement fondée. Sans même parler du secret de l'enquête en procédure
vaudoise, il est justifié que le magistrat informateur puisse connaître
toute la correspondance de l'inculpé (à l'exception de celle qu'il échange
avec son défenseur) et soit en mesure d'empêcher celui-ci de s'entretenir
sans contrôle de son cas avec le nombre relativement élevé de personnes
énoncées à l'art. 36 al. 2 du règlement.

    e) Le recourant reproche encore au règlement d'être dénué de base
légale en ce qui concerne les dispositions restreignant la correspondance
des détenus à titre préventif. Pourtant les dispositions légales
sur lesquelles le Conseil d'Etat vaudois s'est fondé pour édicter le
règlement en cause sont énumérées en tête de celui-ci. Par ailleurs, le
Tribunal fédéral a expressément admis (RO 99 Ia 269 et 286 ss. ch. 13)
qu'une autorité exécutive, in casu le Conseil d'Etat zurichois,
pouvait valablement réglementer dans le domaine de la censure en cas de
détention préventive, en vertu de la compétence qui lui est déléguée par
la loi. Le grief est donc mal fondé dans son principe. Comme par ailleurs
le recourant ne soutient pas que le Conseil d'Etat vaudois aurait excédé
les limites de la compétence que lui conférait la loi, ni que la base
légale existante lors de la promulgation du règlement aurait été abrogée,
il doit être écarté.

    f) Principe fondamental du droit constitutionnel non écrit reconnu même
aux détenus à titre préventif (RO 97 I 842), la liberté personnelle ne doit
pas être limitée au-delà de ce qu'exigent le but de l'instruction pénale et
l'ordre de l'établissement de détention (RO 97 I 52). Il convient dès lors
d'examiner si l'art. 37 al. 2 du règlement restreint d'une façon excessive
la liberté personnelle du recourant, en permettant que tout le courrier
de celui-ci soit soumis à la censure du magistrat informateur. Il n'en est
rien, car ce contrôle est une mesure nécessaire pour éviter qu'il ne soit
fait obstacle à la bonne instruction de la cause et pour prévenir toute
collusion avec des complices ou témoins. La légalité d'une telle mesure
n'a jamais été contestée et il a même été jugé qu'elle pouvait s'étendre
á la correspondance échangée par l'inculpé avec son avocat, ce qui n'est
pas le cas en l'espèce (RO 99 Ia 287 lit. c). A plus forte raison doit-il
en être de même s'agissant de destinataires, présentant certes toutes les
garanties désirables, mais touchant l'inculpé de beaucoup moins près que
son conseil. Ce n'est pas attenter de façon inadmissible à la liberté
personnelle de l'inculpé que de l'obliger à réserver ses informations
non censurées au magistrat informateur ou à son avocat.

    Le recours du 1er mars 1974 doit donc être rejeté dans la mesure où
il est recevable.

    II. Sur le recours du 3 septembre 1974

    Ce recours est dirigé contre les décisions prises les 16/20 août 1974
par le Juge d'instruction cantonal. Il ne satisfait pas aux conditions
posées à l'art. 87 OJ, dans la mesure où il ne vise pas une décision finale
prise en dernière instance. En effet, le Juge d'instruction cantonal
lui-même a transmis la plainte de l'inculpé au Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal vaudois qui, le 22 août 1974, a statué comme autorité
judiciaire en qualifiant sa décision d'arrêt et en revoyant librement
l'application du règlement. Certes, l'arrêt du 22 août 1974 ne statue
pas sur l'interdiction d'adresser du courrier aux moyens de communication
de masse, mais on peut admettre qu'il l'a fait implicitement. Le recours
est donc irrecevable.

    III. Sur le recours du 30 septembre 1974

    a) La Chambre d'accusation du Tribunal fédéral a jugé qu'il n'était
pas possible de limiter le volume de la correspondance d'un inculpé
détenu préventivement en vertu du droit fédéral, une telle mesure étant
incompatible avec le principe de proportionnalité consacré à l'art. 48 PPF
(RO 97 IV 71). La Chambre de droit public (RO 99 Ia 286/7) a cependant
précisé qu'il n'en allait pas nécessairement de même dans les cas de
détention préventive fondée sur le droit cantonal. Elle a donc expressément
admis que la règle de l'art. 52 al. 2 de l'ordonnance zurichoise sur les
prisons de district (ci-dessous: OZPD), selon laquelle une limitation
de la correspondance des détenus à titre préventif ne se justifie que
si le volume de celle-ci rend impossible un contrôle efficace, n'est
pas critiquable du point de vue constitutionnel. En effet, le droit de
l'inculpé à ce que sa liberté personnelle soit garantie dans toute la
mesure du possible, pour autant que le but de la détention le permette,
ne lui donne pas toute latitude d'entretenir la correspondance qu'il
entend. Une limitation, qui tend seulement à protéger les fonctionnaires
chargés du contrôle contre une surcharge compromettant leur travail,
laisse à l'inculpé une possibilité suffisante d'entretenir des relations
avec l'extérieur, pour qu'elle soit reconnue comme proportionnellement
admissible au regard de la liberté personnelle.

    La législation vaudoise ne connaît pas de disposition analogue à
l'art. 52 al. 2 OZPD et l'on ne saurait trouver une justification à la
mesure prise par l'autorité vaudoise dans l'art. 76 du règlement. Celui-ci
ne constitue en effet pas un blancseing et les instructions données au
geôlier en application de cette disposition ne peuvent évidemment déborder
le cadre légal ou réglementaire. Cela n'est pas à dire toutefois que
la décision cantonale soit inconstitutionnelle, car il a été jugé que
toutes les limitations á la liberté personnelle du détenu résultant du
rapport de force particulier créé entre l'Etat et lui par l'incarcération
ne nécessitaient pas un fondement légal exprès. Là encore, la légitimité
de ces atteintes dépend de leur proportionnalité, en ce sens qu'elles ne
doivent pas aller au-delá de ce que le rapport de force exige (RO 97 I
842/843). On peut considérer en effet que c'est la légalité de ce dernier
qui justifie l'atteinte à la liberté personnelle. Ainsi, la règle admise
dans le cadre de l'art. 52 al. 2 OZPD doit-elle être reconnue même en
l'absence d'une disposition expresse, comme découlant de l'exigence de
la détention préventive même.

    Les restrictions apportées au droit du détenu à titre préventif sont
donc en principe admissibles. Encore faut-il qu'elles soient justifiées
par des raisons objectives fondées sur le but de l'incarcération et sur
les possibilités d'un contrôle efficace, fonction du nombre de personnes
chargées du travail et du volume de la correspondance de l'ensemble des
détenus. Il ne serait en revanche pas tolérable que ces restrictions
constituent en réalité une sanction disciplinaire même lorsqu'elles
sont ordonnées à l'encontre d'un détenu trop polygraphe, à moins d'être
expressément prévues par la loi ou par le règlement.

    En l'espèce, l'arrêt attaqué - ni d'ailleurs la décision du Juge
d'instruction cantonal - ne donne aucune indication précise sur les
inconvénients résultant pour l'administration de l'ampleur de la
correspondance du recourant, ni sur les éléments au regard desquels
celle-ci pourrait être qualifiée d'excessive. La mesure apparaît donc
avant tout comme une sanction disciplinaire réprimant on ne sait quelle
infraction et qui relèverait normalement de la compétence du Département
cantonal de justice et police (cf. art. 129 lit. c du règlement). Elle
doit donc être annulée, faute d'être suffisamment étayée par des motifs
pertinents au sens des principes rappelés cidessus.

    b) La décision attaquée contient en outre, implicitement, une
limitation qualitative du droit de correspondre du recourant, auquel il
est interdit d'adresser du courrier à la presse, à la radio et aux autres
moyens de communication de masse ainsi que de parler dans ses lettres de
son affaire, soit d'autres affaires judiciaires.

    Le Tribunal fédéral a reconnu la constitutionnalité de l'art. 53
OZPD selon lequel ne seront pas transmises les lettres d'un "contenu
inadmissible" (mit ungebührlichem Inhalt), de même que celles se rapportant
à une procédure pénale en cours. Il en prescrit toutefois l'interprétation
restrictive, en précisant que la transmission de communications ne mettant
en danger ni le but poursuivi par l'incarcération (obstacle à une tentative
de fuite ou de collusion) ni l'ordre de la maison de détention ne peut
être interdite, que le censeur approuve ou non le contenu de ces écrits
(RO 99 Ia 288/289).

    Pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut, s'agissant de la
règle prévue à l'art. 52 OZPD, on doit admettre que des restrictions
fondées sur le contenu de la correspondance du détenu à titre préventif
peuvent être prises par l'autorité compétente en l'absence d'une base
légale expresse: celle de la détention suffit. C'est donc à bon droit
qu'il a été interdit au recourant de parler de son affaire ou d'affaires
judiciaires en cours, réserve faite bien sûr des communications adressées
au défenseur ou aux autorités compétentes, telles que le magistrat
instructeur, le Département de justice et police et, éventuellement,
le Grand Conseil ou le Conseil d'Etat.

    En revanche, et dans la mesure où le courrier du détenu serait
conforme à ce qui vient d'être dit, on ne voit pas ce qui pourrait
justifier l'interdiction de s'adresser à tel destinataire en particulier
et notamment aux moyens de communication de masse, car c'est évidemment le
contenu des écrits du détenu et non la personne à laquelle ils sont envoyés
qui peut porter atteinte au but poursuivi par la détention préventive. Le
recours doit donc être admis sur ce point également.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Rejette en tant qu'il est recevable le recours du 1er mars 1974;

    2. Déclare irrecevable le recours du 3 septembre 1974;

    3. Admet le recours du 30 septembre 1974 (P 180); renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.