Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IA 407



100 Ia 407

57. Arrêt du 18 septembre 1974 dans la cause Thareau contre Ministère
public fédéral. Regeste

    Auslieferung. Art. 6 und 8 des französisch-schweizerischen
Staatsvertrages vom 9. Juli 1869.

    1.  Zur Stützung eines Auslieferungsgesuches vorzulegende Unterlagen
(Erw. 3 c).

    2.  Der Umstand, dass die angeschuldigten Taten im ersuchenden Staat
mit der Todesstrafe bedroht sind, hindert die Auslieferung seitens der
Schweiz nicht (Erw. 4 a und b).

    3.  Vorbehalt des schweizerischen ordre public? (Erw. 4 c).

Sachverhalt

    A.- Bernard Thareau, ressortissant français né en 1947, a participé
en 1970 à six vols ou tentatives de vols à main armée dans des banques
établies en France, notamment à Nantes. Le juge d'instruction auprès du
Tribunal de Grande Instance de Nantes a décerné contre lui, le 19 mai
1971, un mandat d'arrêt adressé aux autorités de la République de l'Inde.
Puis, le 8 juin 1971, Interpol Paris a procédé à sa recherche en vue
d'extradition en Allemagne fédérale, en Belgique, au Luxembourg, aux
Pays-Bas, en Espagne et en Suisse.

    Le 19 octobre 1972, alors que Bernard Thareau était encore en fuite,
la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Rennes a rendu contre lui et
ses complices un arrêt de renvoi devant la Cour d'assises du département
de Loire-Atlantique, pour qu'ils y soient jugés selon la loi; l'arrêt
ordonnait la prise de corps contre les accusés.

    Par arrêt pénal du 23 mars 1973, la Cour d'assises du département
de Loire-Atlantique a condamné Bernard Thareau à la peine de mort par
contumace, après l'avoir déclaré coupable des crimes de vols commis avec
port d'arme apparente ou cachée par deux ou plusieurs personnes dans un
lieu habité ou servant à l'habitation, et de tentatives de tels vols. La
Cour a fait application des art. 2, 379, 381 al. 1 et 386 al. 1 du Code
pénal français.

    B.- Bernard Thareau a été arrêté à Genève le 3 novembre 1973 et placé
le même jour en détention provisoire à titre extraditionnel à la prison
de Saint-Antoine. Au nom des autorités françaises, l'Ambassade de France
en Suisse a demandé son extradition au Département fédéral de justice et
police par note du 16 novembre 1973, en produisant le mandat d'arrêt du
19 mai 1971, l'arrêt de renvoi du 19 octobre 1972 et l'arrêt pénal du 23
mars 1973.

    Le 29 novembre 1973, un officier de police de la République et Canton
de Genève a interrogé Bernard Thareau. Après avoir pris connaissance
de l'arrêt pénal du 23 mars 1973, celui-ci a reconnu sa participation
aux faits incriminés, mais en faisant des réserves quant au degré de sa
culpabilité. Il a déclaré s'opposer à l'extradition.

    Intervenant par mémoire du 20 décembre 1973, son défenseur d'office
a demandé principalement que l'extradition ne soit pas accordée et,
subsidiairement, qu'elle soit subordonnée à l'assurance que la peine
de mort ne serait pas exécutée. Faisant intervenir des considérations
historiques sur l'abolition de cette peine en Suisse, puis invoquant
l'ordre public et l'art. 11 de la Convention européenne d'extradition,
il soutenait qu'il y avait une lacune dans le Traité franco-suisse et que,
nonobstant le silence de ce traité, les autorités suisses ne sauraient
extrader un délinquant exposé à subir la peine capitale.

    La Division fédérale de police ayant demandé à l'Ambassade de France si
l'assurance requise par l'opposant dans sa conclusion subsidiaire pourrait
être donnée, il lui fut répondu, par note du 25 février 1974, que la
"représentation" du condamné par contumace anéantirait de plein droit la
condamnation prononcée et entraînerait, après des débats contradictoires,
un nouveau jugement de la Cour d'assises; qu'au cas - peu probable - où
la peine de mort serait à nouveau prononcée, l'assurance qu'elle serait
commuée ne pourrait pas être donnée, car une telle assurance préjugerait
la décision du Président de la République exerçant le droit de grâce; que
cependant, selon une procédure en usage entre la France et d'autres pays,
les autorités suisses pourraient éventuellement accompagner l'extradition
de la recommandation formelle que la peine de mort soit commuée au cas
où elle serait prononcée, et que dès à présent les autorités françaises
s'engageaient à tenir le plus grand compte d'une telle recommandation.

    Entre-temps, Bernard Thareau s'était choisi un nouveau défenseur,
qui, par mémoire du 3 avril 1974 destiné à remplacer celui du premier
défenseur, a conclu au refus pur et simple de l'extradition. Il soutient
que la demande des autorités françaises n'est pas valable à la forme, parce
qu'elle ne se fonde ni sur une poursuite pénale régulière, ni sur un mandat
d'arrêt, ni sur une condamnation exécutoire, un jugement par contumace
devenant caduc de plein droit au moment où le condamné tombe aux mains des
autorités françaises. Si ce jugement était exécutoire, l'extradition serait
inadmissible quant au fond, parce qu'elle permettrait l'exécution d'une
condamnation ferme à la peine de mort, après une procédure par contumace
qui viole le principe du procès équitable tel qu'il est posé par l'art. 6
de la Convention européenne des droits de l'homme. La procédure dite de
la recommandation ne donnant aucune garantie, il serait contraire non
seulement à l'ordre public suisse, mais aussi aux principes d'un Etat
fondé sur le droit d'accorder l'extradition en l'espèce.

    C.- Le Département fédéral de justice et police a transmis l'affaire
au Tribunal fédéral, comme étant de sa compétence, avec deux rapports
de la Division de police et un mémoire du Ministère public de la
Confédération. Ce mémoire demande au Tribunal fédéral de rejeter
l'opposition de Bernard Thareau et d'autoriser son extradition au
Gouvernement de la République française pour les infractions faisant
l'objet de sa demande du 16 novembre 1973.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Pour s'opposer à l'extradition, Thareau invoque tant la loi
fédérale sur l'extradition aux Etats étrangers, du 22 janvier 1892 (RS
353.0; en abrégé LExtr.), que le Traité conclu le 9 juillet 1869 entre
la Suisse et la France sur l'extradition réciproque des malfaiteurs (a
RS 12 p. 118; ci-après: le Traité franco-suisse) et d'autres conventions
internationales. Son opposition doit dès lors être considérée comme une
objection au sens de l'art. 23 al. 1 LExtr., si bien que le Tribunal
fédéral est compétent pour en connaître.

    b) Selon la jurisprudence, les traités internationaux ont, en
matière d'extradition comme dans d'autres domaines, le pas sur la loi
nationale, même s'ils lui sont antérieurs; en cas de contradiction entre
les dispositions de la loi et celles d'un traité, celles-ci l'emportent
sur celles-là; les dispositions de la loi ne s'appliquent que sur les
points qui n'ont pas été réglés expressément ou tacitement par le traité
(RO 97 I 375, 95 I 465 consid. 1, 91 I 130 consid. 2, 87 I 136 s. et les
arrêts cités).

    c) Les objections de l'opposant sont présentées dans deux mémoires
successifs qui ne se recouvrent pas, et l'auteur du second avait demandé à
pouvoir retirer le premier. Le Tribunal fédéral doit cependant tenir compte
de ces deux mémoires, étant donné qu'il n'est pas limité à l'examen des
seules objections expressément soulevées par l'opposant et qu'il recherche
d'office si les conditions de l'extradition sont réunies (RO 97 I 375,
87 I 138 et 199).

    d) De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral ne revoit pas les
faits incriminés, tels qu'ils ressortent de la demande d'extradition et
des documents produits par l'Etat requérant (RO 99 Ia 554 consid. 3, 95 I
467 consid. 5 et les arrêts cités). Bien que cette règle ait été parfois
critiquée, il n'y aurait aucune raison de s'en écarter en l'espèce,
étant donné que l'opposant a expressément reconnu devant l'autorité
suisse sa participation aux faits retenus dans le jugement par contumace;
en outre, il ne les met d'aucune manière en doute dans ses mémoires;
lors de son audition, il a contesté sa responsabilité quant au degré,
mais pas en principe.

Erwägung 2

    2.- Il n'est pas contesté que les infractions en cause peuvent
donner lieu à extradition (art. 1er al. 1 ch. 19 et al. 2 du Traité
franco-suisse), que la condition de double incrimination est remplie
(art. 1er al. 4 du traité; art. 137 et 139 du Code pénal suisse, en
abrégé: CP), qu'il ne s'agit pas de délit politique (art. 2 du traité),
que ni la prescription de la peine, ni celle de l'action pénale ne sont
acquises selon le droit suisse (art. 70 et 73 CP) et que Thareau n'est
pas citoyen suisse.

Erwägung 3

    3.- Pour s'opposer à son extradition, Thareau soulève tout d'abord des
objections de forme; il se plaint d'irrégularités affectant aussi bien
les actes officiels accomplis antérieurement en France que la procédure
d'extradition elle-même.

    a) Il relève qu'on ne l'a pas entendu une seule fois avant la clôture
de l'instruction.

    A supposer qu'il puisse faire valoir un tel grief dans la présente
procédure, il le ferait manifestement à tort. S'il n'a vraiment pas été
entendu au cours de l'instruction, c'est sans doute qu'il se trouvait déjà
à l'étranger, où le Juge d'instruction de Nantes a cherché à l'atteindre
par un mandat d'arrêt le 19 mai 1971, après quoi Interpol l'a vainement
recherché dans plusieurs pays; en 1973, l'arrêt de renvoi l'a encore
déclaré en fuite. Il ne doit donc s'en prendre qu'à lui-même s'il n'a
pas été entendu. Il le sera sans doute à l'occasion du nouveau procès
pénal qui s'ouvrira s'il est extradé.

    Quant à savoir si Thareau a été régulièrement cité à comparaître selon
le droit français, c'est une question qui n'a pas à être examinée ici
(cf. RO 87 I 207 consid. 6).

    b) L'opposant se prévaut aussi de la garantie d'un procès équitable,
telle qu'elle est prévue à l'art. 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (FF 1974
I 1057).

    Bien que la Suisse n'ait pas encore formellement adhéré à cette
convention internationale, le Tribunal fédéral l'a fait intervenir dans un
ou deux arrêts récents, en rapport avec des principes appartenant déjà à
l'ordre juridique interne (RO 97 I 51; 98 Ia 235 et 238; 99 Ia 556). Mais
il est douteux qu'en matière d'extradition ledit art. 6 puisse être opposé
par l'Etat requis à l'Etat requérant, en l'absence de clause adéquate
dans la loi ou le traité d'extradition; d'autre part, cette disposition
n'interdit certainement pas les condamnations par défaut ou par coutumace,
pour autant du moins que le justiciable puisse, en se présentant au juge,
obtenir que sa cause soit reprise ab ovo dans une procédure contradictoire,
comme c'est le cas en France. L'objection n'est donc de toute façon
pas fondée.

    c) Invoquant l'art. 6 du Traité franco-suisse et l'art.  15 LExtr.,
l'opposant soutient que les autorités françaises n'ont produit ni jugement
exécutoire, ni mandat d'arrêt.

    Il est vrai qu'en droit français, la condamnation prononcée par
contumace contre un accusé n'est "guère qu'une menace suspendue sur
sa tête, car elle ne deviendra définitive que si, dans le délai de la
prescription de la peine, il ne tombe pas entre les mains de la justice;
s'il y tombe dans ce délai, il sera jugé à nouveau suivant la procédure
ordinaire" (BOUZAT ET PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie,
tome II 1970, p. 1355), la condamnation par contumace étant anéantie de
plein droit (art. 639 du Code français de procédure pénale), de sorte
qu'on peut dire qu'elle n'est pas exécutoire. Mais l'art. 6 du Traité
franco-suisse et l'art. 6 LExtr. se contentent de la production d'un
jugement, sans préciser qu'il doit être exécutoire; en outre, il a toujours
été admis en Suisse qu'un jugement par contumace suffisait à justifier
l'extradition (SCHULTZ, Das schweizerische Auslieferungsrecht, p. 166 et
191 note 157; implicitement: RO 87 I 199 ss.); bien plus, l'art. 1er al. 3
ch. 1 du Traité franco-suisse dit expressément que, si la peine prononcée
est d'au moins deux mois d'emprisonnement, l'extradition aura lieu pour
les personnes condamnées contradictoirement ou par défaut. Outre l'arrêt
de condamnation par contumace, les autorités françaises ont par surcroît
produit un arrêt de renvoi contenant une ordonnance de prise de corps, en
vertu de laquelle l'accusé devait être arrêté et détenu (BOUZAT ET PINATEL,
op. cit., p. 1263). Un tel acte équivalant à un mandat d'arrêt, il aurait
déjà suffi d'après l'art. 6 du Traité franco-suisse et l'art. 15 LExtr.

    Ainsi la demande d'extradition était amplement régulière et suffisante
quant aux actes à présenter, si bien que l'objection soulevée est dénuée
de tout fondement.

    Contrairement à ce que voudrait l'opposant, il n'y a pas à décider
si le contumax doit être considéré comme poursuivi ou comme condamné au
sens de l'art. 1er al. 1 du Traité francosuisse, car il est en tout cas
ou l'un ou l'autre.

Erwägung 4

    4.- Selon l'art. 381 du Code pénal français, le vol avec arme apparente
ou cachée peut être puni de mort. Cette peine ayant été abolie en Suisse,
Thareau soutient que, y étant exposé, et même déjà condamné, il peut
s'opposer en droit à l'extradition, ou du moins exiger que celle-ci soit
subordonnée à l'assurance que la peine capitale ne sera pas exécutée.

    Dans l'arrêt Ktir (RO 87 I 139 ss. consid. 3), le Tribunal fédéral a
déjà dit, à propos des relations franco-suisses, qu'il n'y avait pas là
objection valable, le Traité franco-suisse ne contenant rien dans ce sens,
et l'art. 5 LExtr., à supposer qu'il soit applicable, ne visant pas la
peine de mort lorsqu'il par le de peines corporelles. A vrai dire, Ktir
avait demandé et obtenu la revision de cet arrêt sur la base de l'art. 137
lit. b OJ, en établissant après coup, sans avoir pu le faire plus tôt,
que la France n'aurait pas accordé l'extradition dans un cas semblable
au sien; mais, au considérant 6, l'arrêt de revision du 24 janvier 1962
(non publié) dit que le premier arrêt est toujours exact sur les points
qu'il a traités, son annulation n'étant prononcée que pour défaut de
réciprocité de la part de la France.

    L'opposant critique implicitement cette jurisprudence, en faisant
valoir des arguments en partie nouveaux.

    a) Le Traité franco-suisse ne par le nulle part de la peine de mort; de
façon générale, il ne fait pas dépendre l'extradition de la peine qui, dans
l'Etat requérant, frappe l'acte incriminé. Historiquement, cela s'explique
probablement par le fait qu'en 1869 la peine de mort était connue dans
certains cantons suisses aussi bien qu'en France. Constatant que, depuis
lors, l'ordre juridique a changé dans notre pays et que les idées y ont
évolué, l'opposant soutient qu'on se trouve aujourd'hui en présence d'une
lacune à laquelle le juge suisse doit remédier. On ne saurait cependant
le suivre dans ce raisonnement. Il n'y a pas dans le Traité franco-suisse
de véritable lacune, car on doit admettre qu'à l'époque les parties ont
tacitement convenu que l'extradition serait accordée même pour des crimes
passibles de la peine de mort. Si la Suisse estimait aujourd'hui devoir
modifier le traité sur ce point, elle devrait engager des négociations
bilatérales en vue d'une convention additionnelle ou d'une revision
du traité, lequel peut être dénoncé tous les cinq ans (art. 16). Une
correction unilatérale par voie d'interprétation judiciaire ne serait
concevable que si, de façon générale dans le monde ou en Europe, la peine
de mort était aujourd'hui considérée comme inconciliable avec certains
principes fondamentaux du droit. Or tel n'est manifestement pas le cas,
puisque la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales réserve expressément la sentence capitale
lorsqu'elle proclame le droit de toute personne à la vie (art. 2 ch. 1).

    b) L'art. 5 LExtr. dispose que, si la peine édictée par la loi de
l'Etat requérant, pour l'infraction qui motive la demande d'extradition,
est une peine corporelle, l'extradition sera subordonnée à la condition
que la peine sera, le cas échéant, commuée en prison ou en amende.

    SCHULTZ (op. cit., p. 136) soutient que cette disposition s'applique à
côté du droit conventionnel, parce qu'elle pose un principe qui va de soi
aujourd'hui. Mais, sur la base d'une interprétation historique, il admet
lui-même (pp. 395-399) que dans ce texte la notion de peine corporelle ne
comprend pas la peine de mort (dans le même sens: BURCKHARDT, Commentaire,
p. 600; SCHWANDER, Rechtsstaatliche Grundsätze im Auslieferungsrecht,
Etudes en l'honneur de Jean Graven, 1969, p. 147 ss., 151; cf. aussi RO
87 I 139 consid. 3). Cette interprétation trouve en outre un sérieux
appui dans l'art. 65 Cst., dont le premier alinéa dit qu'il ne pourra être
prononcé de condamnation à mort pour cause de délit politique, alors que le
second alinéa interdit de façon générale les peines corporelles; le premier
alinéa aurait été superflu si le second avait aussi visé la peine capitale.

    On pourrait être tenté d'interpréter aujourd'hui l'art. 5 LExtr. selon
les idées qui règnent actuellement en Suisse, en considérant qu'il vise
aussi la peine de mort. Mais, ainsi comprise, cette règle de droit interne
serait alors inapplicable dans la mesure où elle entrerait en conflit avec
un traité international réglant expressément ou tacitement la question. Or,
on vient de le voir, c'est le cas du Traité franco-suisse. Ainsi que le
relève l'opposant, deux ou trois autres traités conclus par la Suisse ont
repris pour la peine de mort une règle semblable à celle de l'art. 5 LExtr.
(Portugal, Uruguay, Brésil), mais c'est évidemment sans influence sur
l'application des traités qui ont expressément ou tacitement réglé la
question autrement.

    c) L'opposant se prévaut encore, à propos de la peine de mort, de
l'ordre public interne suisse.

    En l'absence de traité, le Conseil fédéral pourrait vraisemblablement,
pour des motifs d'ordre public, refuser l'extradition ou la subordonner
à certaines conditions, du moment que l'art. 1er al. 1 LExtr. lui donne
simplement la faculté d'extrader, sans l'y obliger. Mais dans les cas
où, comme en l'espèce, il est lié par un traité, il doit s'en tenir aux
dispositions qui y sont contenues. Or le Traité franco-suisse - pas
plus d'ailleurs que les autres traités d'extradition - ne contient aucune
réserve au sujet de l'ordre public, contrairement à ce qui est le cas pour
les conventions internationales relatives à l'exécution des jugements
civils. Cela s'explique par le but de l'extradition, qui est justement
de permettre à l'Etat requérant d'appliquer sa propre législation pénale,
sauf exceptions expresses. Dans le silence des textes conventionnels, on
ne saurait donc admettre l'existence d'une clause tacite réservant l'ordre
public (RO 76 I 137 consid. 4, 78 I 244; SCHULTZ, op. cit. p. 239 s. et
dans Annuaire suisse de droit international, volume XX (1963), p. 216 s.).

    Les tendances récentes du droit pénal international ne vont pas en
sens contraire. En 1969, le Xe congrès international de droit pénal, tenu
à Rome, a voté une résolution très complète sur les problèmes actuels de
l'extradition (Revue internationale de droit pénal, 1970, p. 12 ss.);
il n'y est pas question d'une réserve en faveur de l'ordre public de
l'Etat requis, sauf dans le cas où cet Etat serait invité à déroger au
principe de la double incrimination (résolution IV ch. 2).

    Au demeurant, il serait douteux qu'une condamnation à mort puisse
être considérée comme contraire à l'ordre public suisse; en effet,
l'art. 65 al. 1 Cst. n'interdit la peine capitale que pour les délits
politiques et le législateur pourrait donc la réintroduire en tout temps
pour d'autres infractions; le Code pénal militaire de 1927 la prévoit
d'ailleurs expressément pour le temps de guerre (art. 27 et notamment 61
ch. 2, 63 ch. 2, 74, 87, etc., CPM).

    L'objection fondée sur l'ordre public doit donc être écartée.
d) L'opposant invoque enfin l'art. 11 de la Convention européenne
d'extradition, conclue à Paris le 13 décembre 1957 et entrée en vigueur
pour la Suisse le 20 mars 1967 (ROLF 1967, p. 854). Cette disposition a la
teneur suivante: "Si le fait à raison duquel l'extradition est demandée
est puni de la peine capitale par la loi de la Partie requérante et que,
dans ce cas, cette peine n'est pas prévue par la législation de la Partie
requise, ou n'y est généralement pas exécutée, l'extradition pourra n'être
accordée qu'à la condition que la Partie requérante donne des assurances
jugées suffisantes par la Partie requise que la peine capitale ne sera
pas exécutée."

    La France n'a cependant pas adhéré à cette convention, laquelle
ne lui est donc pas opposable, du moins pas en tant que réglementation
internationale.

    Si, dans une affaire récente (RO 99 Ia 556), le Tribunal fédéral a
fait intervenir une disposition de cette convention (l'art. 3 al. 2)
pour refuser l'extradition demandée par un Etat qui n'y était pas
partie, c'est que la Suisse n'était pas non plus liée à cet Etat par un
traité bilatéral d'extradition, de sorte que seul le droit interne était
applicable; le Tribunal fédéral a alors considéré que, n'étant aucunement
en contradiction avec l'art. 10 LExtr., l'art. 3 al. 2 de la Convention
européenne devait être respecté dans l'administration de la justice,
en tant que règle conforme à l'ordre juridique national et lui appartenant.

    Lorsque, comme en l'espèce, l'extradition est demandée par un Etat
auquel la Confédération demeure liée par un traité bilatéral parce que
cet Etat n'a pas adhéré à la Convention européenne, celle-ci ne peut même
pas être appliquée à titre de droit interne, en raison de la priorité
des traités sur ce droit.

    Le Conseil fédéral ne pourrait donc pas se fonder sur l'art. 11 de
la Convention européenne pour subordonner l'extradition à la condition.
d'obtenir de la France l'assurance que la peine de mort ne sera pas
exécutée.

    e) Par sa note du 25 février 1974, l'Ambassade de France à Berne a
fait savoir à la Division fédérale de police que les autorités suisses
compétentes pourraient éventuellement accompagner l'extradition de la
recommandation formelle que la peine de mort serait commuée au cas où
elle serait à nouveau prononcée contre Thareau dans le jugement qui
remplacera la condamnation par contumace; la note ajoutait que, dès à
présent, les autorités françaises s'engageaient à tenir le plus grand
compte de cette recommandation.

    Une telle procédure n'est pas inconnue en Suisse. Elle est par exemple
prévue par le Protocole final du Traité d'extradition avec la Pologne,
du 19 novembre 1937 (a RS 12 p. 193), qui permet à l'Etat requis de
formuler un "désir" de ce genre. S'agissant cependant d'une procédure
relevant de l'opportunité politique et non du droit, il appartiendra au
Conseil fédéral d'examiner s'il y a lieu d'adresser une recommandation
dans ce sens à la France (cf. RO 87 I 141 consid. 3).

Erwägung 5

    5.- Aucune des objections de Thareau n'étant fondée, son opposition
doit être rejetée et l'extradition autorisée.

    L'art. 8 du Traité franco-suisse consacre le principe de spécialité,
mais pas de façon absolue. A certaines conditions, il permet en effet
la poursuite pénale dans l'Etat requérant pour d'autres infractions
extraditionnelles que celles qui étaient à l'origine de la demande
d'extradition.

    Contrairement à ce que propose le Ministère public fédéral, il n'y a
donc pas lieu de limiter l'extradition aux seules infractions qui ont fait
l'objet de la demande présentée par l'Ambassade de France le 16 novembre
1973. Il suffit de réserver l'art. 8 du Traité (cf. RO 87 I 141 consid. 4).

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Rejette l'opposition de Bernard Thareau;

    2. Autorise son extradition à la France aux conditions prévues
par l'art. 8 du Traité franco-suisse d'extradition.