Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IA 189



100 Ia 189

27. Arrêt du 13 février 1974 en la cause Feuz c. Genève, Tribunal
administratif et Département de justice et police. Regeste

    Persönliche Freiheit. Art. 4 BV und Art. 125 KV Genf.

    1.  Zulässigkeit der staatsrechtlichen Beschwerde (Erw. 1).

    2.  Die Verweigerung eines Leumundszeugnisses beeinträchtigt das
Recht auf persönliche Freiheit nicht (Erw. 2 und 3).

    3.  Untersteht das Verwaltungshandeln als Ganzes dem Grundsatz des
Gesetzesvorbehalts? (Erw. 4 a).

    4.  Das Reglement über die Ausstellung der Leumundszeugnisse ist vom
Staatsrat im Rahmen der ihm durch Art. 125 der Genfer Kantonsverfassung
übertragenen Befugnisse erlassen worden. (Erw. 4 b).

    5.  Auf welche Tatsachen kann sich die Behörde berufen, um die
Verweigerung eines Leumundszeugnisses zu begründen, ohne ihr Ermessen
zu überschreiten? (Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- Le Conseil d'Etat du canton de Genève a, en date du 29 septembre
1951, édicté un règlement relatif à la délivrance des certificats de bonne
vie et moeurs. Ceux-ci doivent contenir, avec les indications d'identité,
l'appréciation relative à la conduite des requérants (art. 3). Ils sont
refusés à ceux qui sont privés de leurs droits civiques ou dont le casier
judiciaire contient une condamnation non radiée à une peine privative
de liberté, ainsi qu'à ceux dont l'honorabilité peut être déniée avec
certitude en raison d'une ou de plusieurs plaintes fondées concernant leur
comportement, de contraventions encourues par eux à réitérées reprises ou
de leur genre de vie (ivrognerie, inconduite, fainéantise, etc.), étant
précisé que les faits de peu d'importance ou ceux qui sont contestés et
non établis ne sont pas pris en considération (art. 4). L'art. 6 prévoit
en outre que, sur demande écrite de celui à qui un certificat de bonne
vie et moeurs a été refusé, l'autorité compétente peut lui délivrer une
attestation rédigée selon une formule moins favorable, dont le contenu
peut varier mais qui doit s'en tenir, dans la mesure du possible, aux
faits tels qu'ils résultent du dossier. Les certificats de bonne vie et
moeurs et l'attestation prévue à l'art. 6 sont délivrés par un officier
de police (commissariat de police).

    B.- Alec Feuz demanda le 20 janvier 1972 au commissariat de police un
certificat de bonne vie et moeurs. Il fut convoqué à ce commissariat, où
lui furent signifiés les motifs du refus de l'octroi de ce certificat. Il
résultait en effet des dossiers de police que le requérant avait commis
de façon répétée, de 1967 à 1970, des contraventions pour bruit nocturne,
participation à des manifestations interdites et refus d'obtempérer aux
ordres des agents. De plus, il avait participé, le 14 décembre 1970,
à la manifestation de soutien aux séparatistes basques, au cours de
laquelle il avait lancé des pierres et des morceaux de hampes de calicot
contre les vitrines et la porte d'entrée de l'Office national espagnol de
tourisme, selon les constatations faites sur les lieux par un inspecteur
de la sûreté genevoise. Feuz avait été inculpé d'émeute, de dommages à
la propriété et d'opposition aux actes de l'autorité. Il avait contesté
ce qui lui était reproché. Le Procureur général, en date du 2 avril 1973,
avait en définitive classé provisoirement la procédure "vu le doute".

    Feuz ayant réitéré sa demande d'un certificat de bonne vie et moeurs,
l'officier de police lui confirma son refus le 15 mars 1973, tout en se
déclarant prêt à délivrer une attestation au sens de l'art. 6 du règlement.

    C.- Feuz recourut contre cette décision au Tribunal administratif
le 2 avril 1973. Il faisait valoir qu'il avait obtenu, en juillet 1971,
une licence en histoire à l'Institut des hautes études internationales et
qu'il avait besoin d'un certificat de bonne vie et moeurs pour poursuivre
sa carrière dans l'enseignement et obtenir un diplôme d'études pédagogiques
pour l'enseignement secondaire.

    Après avoir administré certains moyens de preuve, le Tribunal
administratif a rejeté le recours le 16 juillet 1973 et confirmé la
décision attaquée. Il relevait que le pouvoir d'appréciation laissé à
l'administration n'avait pas été outrepassé par l'officier de police et
que celui-ci, en estimant ne pas pouvoir considérer les contraventions
commises et le comportement du recourant lors de la manifestation du
14 décembre 1970 comme des faits de peu d'importance, avait émis une
appréciation conforme à l'esprit de l'art. 4 al. 2 du règlement. Sa
décision, reposant sur une base réglementaire sérieuse et objective,
ne portait pas atteinte au droit de travailler du recourant, celui-ci
devant s'en prendre à lui-même de ne pas pouvoir obtenir actuellement la
pièce nécessaire à son dossier de candidat à l'enseignement secondaire. Le
Tribunal administratif soulignait en outre que, même si le droit atteint ne
pouvait être déterminé avec précision (atteinte à la liberté personnelle
ou à un autre droit constitutionnel écrit ou non écrit), la décision
contestée devait respecter le principe de la légalité. A cet égard, après
avoir procédé à l'examen historique du droit constitutionnel genevois de
1814 à 1958, sous l'angle de la compétence du Conseil d'Etat en matière
de règlements de police, l'autorité de recours concluait que l'art.
125 de la constitution actuelle, prévoyant que "le Conseil d'Etat édicte
les règlements de police dans les limites fixées par la loi", était une
base légale suffisante pour le règlement de 1951 relatif à la délivrance
des certificats de bonne vie et moeurs. Elle considérait enfin que le
recourant, comme candidat à une fonction publique, se trouvait dans un
rapport spécial de dépendance avec l'Etat et que de ce fait sa liberté
individuelle pouvait être soumise à des limitations plus importantes
découlant précisément de ces relations spéciales avec la puissance
publique.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit public, Feuz demande
au Tribunal fédéral principalement d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif genevois du 16 juillet 1973 et la décision de l'officier
de police du 15 mars 1973, pour violation de la liberté personnelle,
subsidiairement d'annuler la décision de l'officier de police du 15 mars
1973 pour violation de la séparation des pouvoirs et excès de pouvoir,
plus subsidiairement d'annuler la décision de l'officier de police du 15
mars 1973 pour violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 4 Cst.).

    Le Département cantonal de justice et police conclut au rejet du
recours. Le Tribunal administratif prend la même conclusion, dans la
mesure où le recours est recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Lorsque l'autorité cantonale de recours jouit d'un plein pouvoir
d'examen, sa décision remplace celle de l'autorité inférieure et peut
seule être attaquée par la voie du recours de droit public (RO 93 I 326;
94 I 462). Il n'est pas contesté que le Tribunal administratif du canton
de Genève jouit d'un tel pouvoir. En matière de délivrance des certificats
de bonne vie et moeurs, le Tribunal administratif statue en effet comme
instance d'appel et revoit par conséquent librement les faits et le droit
(cf. art. 8 ch. 15 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal
des conflits du 29 mai 1970). Sa décision peut seule être attaquée par
la voie du recours de droit public, à l'exclusion de la décision de
l'officier de police du 15 mars 1973. Le présent recours doit donc être
déclaré irrecevable en tant qu'il vise cette dernière décision.

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, le recourant s'est vu refuser un certificat de
bonne vie et moeurs en vertu de l'art. 4 al. 1 lettre c du règlement du 29
septembre 1951, à la suite des contraventions qu'il a encourues à plusieurs
reprises depuis 1967 et de son comportement lors de la manifestation du 14
décembre.1970. Il soutient que ce refus porte atteinte à sa dignité ainsi
qu'à sa liberté de travailler qui, en tant que manifestation élémentaire
de l'épanouissement de la personnalité humaine, serait garantie par la
liberté individuelle. Il considère en outre que la décison attaquée est
arbitraire et qu'elle a été ainsi rendue en violation de l'art. 4 Cst.

Erwägung 3

    3.- A l'avis du recourant, la décision attaquée porte atteinte à sa
faculté de choisir librement un travail, puisqu'elle aura pour effet
de mettre en veilleuse pendant plusieurs années ses qualifications
universitaires et son sens pédagogique déjà entraîné par plusieurs mois
de suppléance dans l'enseignement secondaire. Le refus de lui délivrer
le certificat requis doit donc être considéré comme une atteinte à sa
liberté de travailler et, partant, à la liberté individuelle. Pour qu'une
telle atteinte puisse être admise, il faut qu'elle repose sur une base
légale. Celle-ci n'existerait pas en l'espèce.

    a) La liberté dite individuelle ou personnelle est garantie tant par
le droit genevois (art. 3 Cst. cant.) que par le droit fédéral non écrit
(RO 99 Ia 266). Il suffit dès lors d'examiner quelle est l'étendue de la
garantie accordée par le droit fédéral (cf. RO 90 I 38 consid. d).

    b) La jurisprudence du Tribunal fédéral concernant la liberté
personnelle a défini ce droit comme étant au premier chef la liberté
physique. Le droit de disposer librement de son corps protège la liberté
d'aller et de venir et l'intégrité corporelle. Cette première définition
un peu étroite tient à ce que la plupart des affaires qui l'ont suscitée
concernaient des atteintes à la liberté physique (cf. RO 90 I 35, avec
citations). Dans son arrêt publié au RO 90 I 36, le Tribunal fédéral a
toutefois étendu la notion de liberté personnelle en lui faisant garantir
non seulement la liberté physique, mais encore la protection de l'homme
contre les atteintes qui tendraient, par un moyen quelconque, à restreindre
ou supprimer la faculté qui lui est propre de se déterminer d'après son
appréciation de la situation. L'existence de cette faculté constitue en
effet la condition d'exercice de nombreux droits constitutionnels (RO 97
I 49).

    La jurisprudence a précisé par ailleurs que la liberté personnelle
est un droit inaliénable et imprescriptible, destiné à garantir la
dignité de l'homme (RO 97 I 50). Elle assure la protection générale des
droits fondamentaux qui conditionnent de manière décisive le contenu et
l'étendue des autres libertés constitutionnelles. Si elle ne s'identifie
pas à ces dernières et ne peut donc être invoquée en elle-même comme moyen
de protection contre les restrictions qui leur sont apportées, elle est
toutefois la condition nécessaire de leur exercice et leur complément,
en ce sens que le citoyen peut s'en prévaloir pour la défense de sa
personnalité et de sa dignité, lorsque aucun autre droit écrit ou non
écrit n'entre en considération (RO 97 I 49/50; 90 I 37/38).

    c) Le recourant allègue que le refus qui lui est opposé porte atteinte
à sa liberté de travailler qui, en tant que manifestation élémentaire de
la personnalité humaine, serait garantie par la liberté personnelle. Il
aurait été plus exact de parler en l'espèce d'une atteinte au droit à la
formation, la décision incriminée mettant obstacle, selon le recourant,
à la constitution d'un dossier établi en vue de son admission à un cours
de formation pédagogique. Quoi qu'il en soit, il y a lieu de remarquer
que Feuz n'est pas recevable en l'état à faire valoir une atteinte
à ce droit. Il pourrait tout au plus l'invoquer à l'encontre de la
décision par laquelle l'autorité compétente refuserait son admission au
cours pédagogique. Au surplus, on peut se demander s'il conviendrait
de reconnaître au droit à la formation le caractère d'une garantie
constitutionnelle non écrite, alors que l'inscription dans la constitution
en a été refusée par votation populaire du 4 mars 1973 (cf. FF 1972 I 368
ss.; 1973 I 1158; E. GRISEL, Les droits sociaux, RDS vol. 92 II 73/74;
J. P. MÜLLER, Soziale Grundrechte in der Verfassung, RDS vol. 92 II 872
ss.). Des motifs identiques font également apparaître le grief d'atteinte
à un droit au travail comme mal fondé. Le recours doit donc être rejeté
sur ce point.

    d) Le recourant relève par ailleurs que le refus de lui délivrer un
certificat de bonne vie et moeurs, fondé sur l'art. 4 al. 1 lettre c du
règlement, porte atteinte à sa dignité et, par conséquent, à la liberté
personnelle. Par son refus en effet, l'autorité dénie son honorabilité et
refuse ainsi de le reconnaître comme un homme honorable, digne d'estime
et de considération, en raison de son comportement antérieur.

    On ne saurait admettre en l'espèce que la décision attaquée constitue
une atteinte à la liberté personnelle du recourant pour le seul motif
qu'elle heurterait le sentiment qu'il a de sa propre dignité. Le ferait-on
que l'on accorderait alors à cette notion une portée si étendue que l'on
ne voit pas quelles limites pourraient lui être fixées.

    On peut en revanche se demander si la liberté personnelle, destinée
à garantir la dignité humaine, n'assurerait pas plutôt la protection
de la personnalité vue sous l'angle du droit public. Porteraient ainsi
atteinte à ce droit constitutionnel non écrit toutes les mesures - actes ou
omissions - que les organes de l'Etat prennent à l'égard d'un administré
et qui sont de nature à mettre en cause sa réputation. Toutefois, même
ainsi définie, la liberté personnelle aurait une portée trop large, qui
conduirait à devoir examiner, par exemple, si le refus d'une promotion ou
une déclaration de faillite ne sont pas des actes qui portent atteinte à la
dignité humaine. Pareille conséquence est inacceptable. Cela reviendrait
à doubler l'art. 4 Cst. d'une disposition constitutionnelle non écrite
dont les limites de surcroît resteraient imprécises. La portée que le
Tribunal fédéral a donnée à la disposition constitutionnelle précitée rend
d'ailleurs superflue et inadéquate en l'espèce une telle extension de la
liberté personnelle. Celle-ci, ainsi que cela a été rappelé précédemment,
ne doit pas pouvoir être invoquée là où les droits constitutionnels écrits
ou non écrits assurent déjà à l'individu une protection suffisante. Le
recourant dispose, contre le refus de lui délivrer le certificat demandé,
des moyens que lui offre l'art. 4 Cst. Il n'y a pas de raison d'admettre
que ceux-ci n'assurent in casu qu'une protection insuffisante.

Erwägung 4

    4.- a) L'institution du certificat de bonne vie et moeurs et de
l'attestation ne constitue ainsi pas en soi une mesure de police portant
atteinte aux libertés garanties par la constitution et n'est donc pas
comme telle soumise au principe de la réserve de la loi (cf. RO 99 Ia
250, 267, 373/374). Toutefois, selon une opinion qui tend à se répandre,
l'activité administrative tout entière serait subordonnée à ce principe,
y compris l'exécution de prestations ("Leistungsverwaltung"). Le Tribunal
fédéral n'a pas eu à se prononcer expressément sur cette question à propos
de laquelle s'affrontent théorie traditionnelle et doctrine nouvelle (cf.
GRISEL, L'administration et la loi, dans Regards sur le droit suisse,
Lausanne 1964, p. 31 ss., 38 à 40). Il paraît d'ailleurs douteux que
l'ordre juridique existant soumette à l'exigence d'une base légale toute
activité administrative; car s'il autorise bien l'application du principe
de réserve de la loi à certains domaines de la "Leistungsverwaltung", il
semble s'y opposer dans d'autres (GRISEL, op.cit., p. 43). Ces questions
n'auront cependant pas à être tranchées en l'espèce, si l'on peut admettre
que le règlement relatif à la délivrance des certificats de bonne vie
et moeurs est un règlement de police qui est de la compétence du Conseil
d'Etat en vertu de l'art. 125 Cst. cant.

    b) L'art. 125 Cst. cant. dispose que "le Conseil d'Etat édicte des
règlements de police dans les limites fixées par la loi". C'est dans
cette disposition que l'autorité dont la décision est attaquée voit
la base légale du règlement contesté. On peut hésiter à qualifier un
règlement relatif à la délivrance de certificats de bonne vie et moeurs
de règlement de police au sens étroit du terme; la police a en effet pour
fonction essentielle de protéger la sécurité, la santé, la tranquillité et
l'ordre publics, avec l'obligation en particulier de défendre les biens
juridiques protégés des particuliers et de la collectivité tels qu'ils
sont reconnus par la législation en vigueur (cf. FLEINER, Institutionen
des deutschen Verwaltungsrechts, § 24, chap. II). Une conception plus
large du "règlement de police" n'est toutefois pas exclue.

    L'art. 3 de la loi du 26 octobre 1957 sur l'organisation de la police
attribue à celle-ci la police judiciaire, la police rurale et la police
des étrangers. Cette disposition précise également que la police est
chargée de "veiller à l'observation des lois et règlements de police
(police administrative)" (art. 3 lettre b) et d'assurer la tranquillité,
la sécurité et l'ordre publics, notamment en matière de circulation
(art. 3 lettre c). Le règlement relatif à la délivrance des certificats de
bonne vie et moeurs, qui ne fait aucune référence à une loi quelconque,
est classé dans le groupe "F" du recueil systématique de la législation
genevoise, sous le titre général de "Police". Il faut relever enfin que la
loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai
1970, dispose que le Tribunal administratif eonnaît, en fait et en droit,
des recours contre les déclarations de l'officier de police refusant un
certificat de bonne vie et moeurs (art. 8 ch. 15). Ces divers éléments
étaient l'opinion du Conseil d'Etat selon laquelle la notion de police
doit être comprise très largement, le règlement litigieux en l'espèce étant
en conséquence un règlement de police au sens de l'art. 125 Cst. cant. On
peut admettre en effet que le terme de police a, dans ce contexte, un sens
plus large que celui qui est compris dans la "clause générale de police",
et que le Conseil d'Etat a ainsi édicté un règlement sur un objet qui
est de sa compétence en vertu d'une délégation découlant directement de
la constitution.

    Il est vrai que l'art. 125 Cst. cant. dispose que les règlements
de police doivent être édictés dans les limites de la loi. Le Tribunal
administratif soutient à ce propos que le mot "loi" couvre, dans le
contexte de cet article constitutionnel, aussi bien les dispositions
législatives votées par le Grand Conseil que la constitution elle-même. Si
cette interprétation paraît difficilement acceptable, cela n'emporte
toutefois pas que l'on ne puisse soutenir que le canton n'a pas méconnu
l'exigence d'une base matérielle (cf. RO 91 I 462/463, 87 I 453 avec
citations). D'ailleurs, la loi au sens formel n'aurait pu que confirmer
la compétence du Conseil d'Etat sans y apporter d'autres précisions. Le
recours doit donc également être rejeté sur ce point, ce qui dispense
d'examiner in casu si, comme le soutient le Conseil d'Etat, le règlement
litigieux repose sur une coutume.

Erwägung 5

    5.- Le recourant soutient enfin, à titre subsidiaire, que
la décision incriminée constitue une violation du principe de la
séparation des pouvoirs, l'autorité cantonale ayant excédé son pouvoir
d'appréciation. Cette décision serait donc entachée d'arbitraire et
violerait le principe d'égalité reconnu à l'art. 4 Cst. En réalité,
le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir excédé son pouvoir
d'appréciation à deux égards: il en serait ainsi quant à l'interprétation
de l'art. 4 du règlement relatif à la délivrance du certificat de bonne
vie et moeurs d'une part, quant aux faits retenus à la base de la décision
attaquée d'autre part. Le moyen fondé sur le principe de la séparation
des pouvoirs se confond dès lors avec ceux que le recourant tire de
l'art. 4 Cst.

    a) En vertu des lettres a et b de l'art. 4 du règlement en cause,
le certificat de bonne vie et moeurs est refusé à celui qui est privé de
ses droits civiques par un jugement pénal ainsi qu'à celui dont le casier
judiciaire contient une condamnation non radiée à une peine privative de
liberté. Il y a lieu de remarquer que le juge pénal ne peut actuellement
plus prononcer de peine accessoire de privation des droits civiques, l'art.
52 CP ayant été abrogé par la loi modifiant le Code pénal suisse du 18
mars 1971. Le motif relevant de l'art. 4 lettre a est dès lors devenu sans
objet. Le cas visé par l'art. 4 lettre b n'est pas réalisé en l'espèce
et n'a d'ailleurs pas été invoqué par l'autorité cantonale, qui a fait
application de la clause générale de la lettre c de cette disposition,
selon laquelle le certificat de bonne vie et moeurs est refusé à celui
dont l'honorabilité peut être déniée avec certitude en raison d'une ou de
plusieurs plaintes fondées concernant son comportement, de contraventions
encourues par lui à réitérées reprises ou de son genre de vie. Dans un
arrêt non publié du 7 octobre 1953 en la cause Guggisberg c. Genève,
le Tribunal fédéral a souligné qu'à la différence des dispositions des
lettres a et b de l'art. 4 du règlement, celle de la lettre c est conçue en
termes généraux et laisse à l'autorité un pouvoir d'appréciation beaucoup
plus étendu que ne le font les deux dispositions précédentes. Elle permet
en effet à l'autorité de dénier l'honorabilité du requérant en raison de
simples contraventions ou en raison même de son genre de vie, c'est-à-dire
pour des faits qui peuvent être certainement moins graves que ceux qui
auraient donné lieu à une condamnation à une peine privative de liberté
suivie d'une inscription au casier judiciaire. Le Tribunal fédéral
relève également que, du fait qu'une condamnation, une fois radiée,
doit être tenue pour non avenue, il ne s'ensuit pas que l'autorité qui
est appelée à délivrer un certificat de bonne vie et moeurs n'ait pas
le droit, sous réserve de n'en pas faire état dans le certificat (art. 8
al. 1 du règlement), de tenir compte dans son for intérieur de ce qu'elle
sait des antécédents de l'intéressé lorsqu'elle est requise d'attester
son honorabilité. Il n'y a pas en l'espèce de motifs impérieux de se
distancer de cette jurisprudence.

    b) C'est d'ailleurs précisément sur cette jurisprudence que s'est
fondé le Tribunal administratif pour soutenir que même une affaire
classée par le Procureur général doit être prise en considération
dans le cadre de la lettre c de l'art. 4 du règlement et, partant,
pour tenir compte des agissements du recourant durant la manifestation
du 14 décembre 1970, devant l'Office national espagnol de tourisme. La
juridiction administrative cantonale de recours a en effet admis que
le recourant avait causé des dégâts à la propriété d'autrui au cours de
cette manifestation du 14 décembre 1970, en se fondant à cet égard sur
les déclarations circonstanciées d'un inspecteur de police, malgré le
classement provisoire de l'affaire par le Procureur général. On peut se
demander si ce classement lie le Tribunal administratif. La question peut
toutefois rester indécise, car le Tribunal administratif était dans tous
les cas fondé, pour étayer ce refus du certificat, à tenir compte également
des contraventions encourues par le recourant de 1967 á 1970, notamment
pour avoir pris part à des manifestations non autorisées et pour refus
d'obtempérer aux ordres de la police demandant aux manifestants d'évacuer.

    c) De surcroît, l'autorité cantonale compétente a estimé ne pas
pouvoir considérer les faits reprochés au recourant comme étant,
dans leur ensemble, de peu d'importance au sens de l'art. 4 al. 2
du règlement. Ils lui ont paru suffisants pour justifier un refus
d'attester l'honorabilité du recourant. Cette opinion n'est en tout cas
pas insoutenable. En vertu de la clause générale de l'art. 4 al. 1 lettre
c du règlement, l'organe administratif chargé de délivrer les certificats
de bonne vie et moeurs jouit d'un large pouvoir d'appréciation et on ne
saurait en l'espèce prétendre qu'il en a abusé. Il est vrai qu'il doit,
dans la mesure du possible, tenir compte de l'usage que le requérant entend
faire du certificat (art. 4 al. 2 du règlement). Mais l'application de
cette disposition n'entraîne pas obligatoirement, en faveur du requérant,
une dérogation aux exigences réglementaires. Ce certificat de bonne vie
et moeurs doit en l'occurrence permettre l'admission du recourant aux
études conduisant à l'obtention du certificat d'aptitude à l'enseignement
secondaire. Or l'emprise des enseignants sur la jeunesse est telle que
leur honorabilité doit être intacte. De ce fait, la juridiction cantonale
pouvait soutenir, d'une manière plausible, qu'on ne saurait considérer
les faits reprochés au recourant comme des faits de peu de gravité,
s'agissant précisément d'un candidat à l'enseignement qui, en vertu de
l'art. 4 de la loi genevoise sur l'instruction publique de 1940, aura
pour mission de préparer la jeunesse à exercer une activité utile et à
servir le pays et de développer chez elle le respect de ses institutions.

    Il faut donc admettre, au vu des antécédents du recourant, du but
pour lequel le certificat est requis et de toutes les circonstances du
cas, que le Tribunal administratif n'est pas tombé dans l'arbitraire,
en confirmant la décision de l'officier de police par laquelle celui-ci
a refusé de délivrer au recourant un certificat de bonne vie et moeurs.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.